Le président-directeur général, Éric Dubé, ne cache pas son enthousiasme : Plein de légumes sont importés d’autres régions, que ça vienne de l’Ontario, que ça vienne d’autres pays. On a la capacité de faire ça ici au Québec, pourquoi on le ferait pas!

Serres Toundra, installée au Lac-Saint-Jean depuis 2016, a rapidement accaparé 85 % du marché québécois du concombre. L’entreprise en produit 100 millions par an : anglais, nordiques et minis.

Les propriétaires de Serres Toundra ont misé sur une technologie qui donne des rendements très élevés. L’entreprise a aussi obtenu un terrain de la compagnie voisine, Produits Forestiers Résolu. Elle utilise l’eau chaude produite par les turbines de Résolu pour chauffer une partie de ses serres. Et elle pourra bientôt capter le carbone généré par l’usine de pâte kraft, le traiter, puis l’injecter dans son complexe de serres, pour favoriser la photosynthèse et la croissance des plants.

Éric Dubé voit sa production en serres fortement augmenter.

Photo : Radio-Canada

Serres Toundra veut maintenant diversifier sa production. Elle mise entre autres sur une culture absente des tablettes : les haricots jaunes de serre.

Le Québec voit grand

Des produits de serre d’ici, Québec souhaite en voir davantage sur les tablettes des supermarchés. La crise de la COVID a fait craindre une pénurie de denrées et on veut faire passer la superficie de production de 120 à 240 hectares.

Il y a moins d’un an, le gouvernement Legault a annoncé un programme destiné à atteindre cet objectif. Une aide financière de 90 millions de dollars servira à la modernisation et à l’agrandissement des serres, petites et grandes.

On prévoit le remboursement de 40 % de la facture d’électricité, pour les projets d’investissements de 3 millions et plus. Le réseau électrique triphasé d’Hydro-Québec, plus puissant, sera accessible à davantage de producteurs grâce à 200 kilomètres de nouvelles lignes électriques. Et tous les serriculteurs auront accès à un rabais des tarifs d’électricité pour l’éclairage et le chauffage des serres.

L’industrie serricole québécoise prête à atteindre l’autonomie alimentaire

André Gosselin

Photo : Radio-Canada

C’est exactement ce que l’industrie recherchait, lance André Gosselin. Professeur émérite en horticulture de l’Université Laval, il a vu naître les premiers grands complexes serricoles au Québec, dans les années 80.

Cofondateur des Serres du St-Laurent, à l’origine du succès commercial des tomates Savoura, il cultive aujourd’hui de petits fruits en serres et sous grands tunnels à l'île d’Orléans. Il croit que l’aide du gouvernement profitera aux grandes entreprises, mais aussi aux plus petites comme la sienne qui souhaitent agrandir ou démarrer une nouvelle production.

Selon lui, les rabais de tarifs d’électricité offerts pendant 8 ans sont particulièrement importants. L’éclairage artificiel, très coûteux, est essentiel pour produire 12 mois par année et concurrencer les grands complexes au sud de la frontière.

L’importance de la diversification

Sylvain Terreault a connu les hauts et les bas de l’industrie serricole québécoise. Il est à la tête d’Hydroserre depuis 30 ans. Les laitues Boston hydroponiques ont fait la renommée de l’entreprise au pays et sur la côte est américaine.

Sylvain Terreault vérifie les laitues dans la serre.

Photo : Radio-Canada

Hydroserre bénéficiera du programme d’aide de Québec. À l’été 2020, le serriculteur a fait l’acquisition des anciennes serres de tomates Savoura à Portneuf. Elles seront réaménagées en système de culture en eaux profondes pour la laitue. Il a aussi pris récemment les rênes des Serres Lefort en Montérégie, un producteur de poivrons et de concombres bios qui croulait sous les dettes. Quinze hectares additionnels de serres y seront érigés.

Hydroserre veut ajouter la tomate biologique et les fines herbes à sa gamme de produits et développer de nouvelles variétés de laitues, la laitue romaine par exemple.

Il s’agit de diversifier l’offre et de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier, souligne l’homme d’affaires.

L’innovation

Les serriculteurs québécois occupent à peine 30 % du marché des produits de serre consommés dans la province. La présidente-directrice générale de l’Association québécoise de la distribution de fruits et légumes estime qu’il y a là une belle occasion pour les petits producteurs de développer de nouveaux produits, mais surtout le créneau biologique.

Sophie Perreault, PDG de l'AQDFL.

Photo : Radio-Canada

Charles Verdy est bien conscient de tout ce potentiel. Président de l’entreprise Les Herbes Gourmandes qui produit des fines herbes en pots, il se prépare à investir 10 millions de dollars dans l’agrandissement de ses installations de Saint-Norbert dans Lanaudière.

Avec un seul hectare, il produit actuellement une trentaine de variétés de fines herbes et de laitues. Il souhaite produire davantage de fines herbes biologiques et approvisionner tout le marché québécois en fines herbes.

L’ingénieur-serriculteur prévoit également automatiser une partie de ses opérations. Il voit l’avenir avec optimisme.

Il n’est visiblement pas le seul. Acquisitions, modernisation, agrandissements, la liste des projets s’allonge à coups de millions, voire de dizaines de millions de dollars.

André Gosselin affirme que l’on verra également de nouvelles entreprises s’installer, tant québécoises qu’étrangères.

Dans le passé, des producteurs de la province ont connu des difficultés financières et même déclaré faillite. Aujourd’hui, l’industrie serricole est prête à passer en deuxième vitesse et est déterminée à occuper davantage d’espace sur les tablettes... et dans nos paniers d’épicerie.

Le reportage de France Beaudoin et de Luc Rhéaume est diffusé à l'émission La semaine verte le samedi à 17 h et le dimanche à 12 h 30 sur ICI TÉLÉ. À ICI RDI, ce sera le dimanche à 20 h.

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