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Résumé des épisodes précédents:Après le fiasco du premier reboot, l'équipe de communication de l'Algorithme cherche à l'humaniser. Première étape, Najwa a trouvé un surnom au nouveau système: Pivi. Elle compte maintenant faire valider son autre projet, plus ambitieux.

«De la même manière que les physiciens du siècle dernier ont été contraints d'abandonner leurs croyances en des entités homogènes et stables pour aborder les incertitudes de la mécanique quantique, nous devons nous aussi envisager l'implosion des modèles et accepter de faire le deuil de nos paradigmes rassurants.»— Paul Vacca, Houellebecq, phénomène littéraire (2019)

Ghislain apparaît d'abord en assez gros plan, encadré par ses longs cheveux gris. Il pose l'objectif, s'éloigne de quelques pas, dévoilant petit à petit le décor de sa vidéo: un simple bar. Najwa, à son bureau, a recraché son verre d'eau en le reconnaissant. Elle essuie rapidement son clavier de la manche et monte le son. Ghislain se racle la gorge et lisse ses cheveux vers l'arrière. L'air fatigué, presque à bout de nerfs, mais déterminé. Autour de lui, à l'écran, Najwa compte trois clients attablés, qui ne prêtent aucune attention au discours que Ghislain entame.

GhislainFrançaises, Français, nous n'irons plus voter. Et, voyez autour de moi, tout le monde s'en cogne. Rigolez... Mais en les laissant brûler nos urnes, on a perdu bien plus qu'un symbole. On a perdu le contrôle. Le contrôle de nos vies. Vous voyez ce jeune serveur derrière moi? Il s'appelle Boris. Dis bonjour, Boris! Il boude. Triste garçon. Il n'aime ni la politique ni les gens qui en parlent. «Autogestion!», me lance-t-il souvent pour défendre l'Algorithme. Vous en connaissez forcément, des vendus comme lui. Des suceurs de nombres. Qui veulent se persuader que la machine respecte leur avis... Désolé, Boris, mais: autogestion, piège à cons. «Prise de décision collective automatisée», dans leur jargon, bah ça veut dire que ni Boris ni moi ni personne ne décidons plus de rien. Nous. N'irons plus. Voter.

Najwa sue de la moustache, elle le sent. Elle checke sur un autre écran d'où vient la vidéo. D'une page Whuzz créée la veille par Ghislain de Neuville. Sous une grosse bannière «7Anti-Pivi», une seule publication pour l'instant, la vidéo que Najwa visionne, «Nous n'irons plus voter».

NajwaCe titre. Le mec est un dinosaure, quoi.

Ghislain constate tristement qu'en effet son discours indiffère les clients, même Boris au bar ignore royalement son tournage et prépare ses commandes en sifflotant. «Comment un contenu aussi pathétique peut se retrouver parmi les tendances du moment?, se demande Najwa. À moins qu'il ne devienne... encore plus pathétique?» Ghislain a repris la caméra à bout de bras, on le voit de près, le doute n'est plus possible, il a les larmes aux yeux.

GhislainPivi. Pourquoi lui refiler un nom de clown, à votre avis? C'est nous, les clowns... On a foiré. Je veux dire, nous, les politiciens, on a foiré. Certains m'ont peut-être reconnu, j'étais conseiller présidentiel. Mais je ne suis pas là pour défendre ma soupe, voyez, je joue franc jeu avec vous. Il aurait fallu, je le concède aujourd'hui, peut-être pas une Constituante, mais quelques ajustements. Moins de mousse médiatique… Les politiques méritaient-ils d'être sanctionnés? Sans doute. Tous les Français doivent-ils être punis avec eux, jetés dans cette dictature numérique? Je ne pense pas, non. Mais quelles armes j'ai, moi, pour me battre et éviter cela? Dites-moi, j'attends. Que me reste-t-il? Que nous reste-t-il?

Ghislain essuie ses lunettes embuées, les rechausse, montre la salle morne autour de lui, hausse dramatiquement les bras, les laisse retomber tel un cygne mourant.

GhislainVous croyez que les machines vont se débrancher toutes seules, un jour? Parce que là, je ne sais pas même à qui m'adresser. À qui je les lance, mes citations de Tocqueville? À des humains qui de toute façon ne choisissent plus rien?
BorisC'est avant, avec tous vos mensonges, qu'on choisissait rien.

L'intervention du barman n'était pas scénarisée, le vieux briscard est surpris, ses sourcils le trahissent. Mais Ghislain reprend vite.

GhislainBon. Pour les simples d'esprit comme l'ami Boris, je sais qu'ils sont nombreux, petit rappel basique: cette histoire de vote permanent, c'est du vent. Choisir tout, tout le temps, ce n'est pas choisir. C'est se laisser porter par le courant. Et moi, j'ai appris très jeune en faisant du kayak, qu'il faut pagayer, pagayer plus vite que les flots pour contrôler son esquif. Ce sont nos propres efforts qui nous permettent de garder le cap et d'éviter les rochers. Coup de rame après coup de rame…
BorisSauf que là, il a coulé, votre kayak.

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Najwa, pourtant tendue, éclate de rire. Tacle inattendu car son auteur, jusque-là, essuyait paisiblement les verres au second plan.

Elle en sourit encore deux heures plus tard en montrant la vidéo à ses collègues réunis dans la grande salle du ministère. Pause. Le rictus de Ghislain se fige sur l'écran géant. Najwa se met sous la seule lumière allumée.

NajwaTout le monde est là? Je vous présente Ghislain de Neuville. Merci d'être venus aussi vite, le but c'est déjà d'éviter que chacun d'entre vous ne lance la vidéo depuis son poste, qu'on ne l'aide pas à faire exploser les vues… Déjà un million, n'aggravons pas le problème.
ThéoUn million, d'accord, mais combien cliquent pour se foutre de sa gueule? Lis les commentaires… On ne devrait pas paniquer.
NajwaQui te parle de panique? Je te demande de réfléchir deux secondes et ça y est, tu paniques?
ThéoC'est pas ça, t'énerve pas. Il dit «ils», il accuse «eux», sans jamais nommer les méchants: le coup du complot, classique. Dans ce registre, il n'ira pas beaucoup plus loin que le million. C'est le côté comique de la vidéo qui l'a boostée, pas le message anti-Pivi.
NajwaJe suis d'accord, ses arguments sont nazes. Ce qui devrait nous préoccuper, à l'heure où nous, on galère à humaniser Pivi, c'est le côté «mea culpa», «je vous raconte les coulisses du naufrage»... Ça, à terme, ça peut marcher.
ThéoAucune chance. Il est insupportable, ce type.
NajwaIl n'en est que plus humain… Et puis il tient quand même un storytelling de dingue. Regardez la suite.

Najwa relance la vidéo sur le grand écran derrière elle.

BorisSauf que là, il a coulé, votre kayak.

Kayak coulé et verre pilé

Ghislain encaisse le coup, détourne la caméra et, en bon professionnel du paraître, il enchaîne en s'éloignant.

GhislainOn va laisser Boris tranquille, il a l'air chafouin… J'avoue, mes amis: je n'avais pas anticipé, mais alors pas du tout, que les intellectuels expérimentés comme moi seraient au chômage avant les cancrelats comme lui. «Plus tu fais d'études», disaient mes parents, «moins tu risqueras d'être remplacé par un robot». Logique. Sauf que le danger ne venait pas des robots, qui coûtent finalement très cher à concevoir, fabriquer, transporter, alimenter, stocker, entretenir... Non, le danger venait de l'intelligence artificielle, libre de toute carcasse. Et à la stupéfaction générale, les branches les plus socialement respectables sont tombées les premières. Combien de carrières faisant la fierté de familles entières sont devenues le sujet gênant du repas de Noël? Les ophtalmologistes, par exemple. Comment rivaliser contre un programme toujours dispo, infaillible et facturant dix fois moins? La matière grise ne vaut plus rien.

Long regard caméra désemparé, qui fait ricaner quelques employés dans l'obscurité de la salle du ministère.

GhislainTout le monde va sauter, vous comprenez? Petit à petit, tout le monde va perdre son poste. Prenez le plus brillant, le plus perspicace des officiers de police. Connaît-il par cœur l'intégralité des dossiers archivés à la préfecture? Peut-il reconnaître n'importe qui, de nuit, sur l'image furtive d'une caméra de surveillance, puis énoncer son casier dans le moindre détail? Bah voilà... Adieu commissaire, merci pour vos années de service, vous pouvez garder le stylo Bic, nous n'en aurons plus besoin.

Ghislain s'assied sur une chaise haute, au bar, et tape du poing sur le zinc.

GhislainVous savez quoi, les amis? Je me contrefous qu'un robot soit plus efficace que moi. Je veux comprendre ce qui m'arrive et je me contenterai pour cela de mes petits moyens humains limités. Pivi? Non, merci, non. Rien de grand ne se dessine sous la rigueur du microscope. Laissez-nous être joueurs, émotifs, irrationnels… Laissez-nous rêver notre pays, quoi!

Najwa se libère de ses escarpins en deux coups de talons, pose les clés de l'appart dans la coupelle à bordel et, d'une pression sur l'application domotique, envoie son lit se coller au plafond. «Le seul moyen d'avoir un matelas deux places dans un studio parisien», avait assuré l'agent immobilier qui lui avait fait visiter l'endroit. Un ingénieux système de crémaillère hisse le sommier à deux mètres, révélant le charmant petit salon rouge qui attend en dessous.

Pour les dîners, même schéma qu'à midi, Najwa mange seule. Ce soir, elle n'a pas faim, elle a juste envie de cette demi-bouteille de Moët achetée en chemin pour fêter sa promotion. Elle la case dans le mini-congel, qu'elle se rafraîchisse vite.

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Pour ne pas étouffer, Najwa a encadré des photos de désert à perte de vue. Huit mètres carrés, qui tient tout entier là-dedans? Elle rêve de dressing géant, d'étage caché, de passage secret vers des toits-terrasses inexplorés… Annexer le palier pour y étendre ses jambes. Elle s'est surprise l'autre jour dans le métro à jalouser un gamin qui parlait de «sa chambre».

Six mois seulement qu'elle a décroché son poste auprès de l'Algorithme: elle n'a pas eu le temps de déménager de sa chambre de stagiaire. Le seul avantage, en attendant, c'est d'avoir une excuse imparable pour n'inviter personne et rester célibataire. «Mon studio n'est pas conçu pour abriter un couple.» Un copain, ici? Même l'espace d'un week-end, où le mettrait-elle entre ses deux étagères, sa penderie aux trois cintres, sa casserole-mug et sa poêle-assiette?

Rien que pour y songer, à l'amour, l'endroit est exigu. Elle enlève son tailleur, sa chemise et son soutif, les remplace par un legging et un vieux t-shirt «École de Management de Lyon».

Najwa se laisse choir dans le sofa et regarde son téléphone portable, hésite… Depuis qu'elle vit à Paris, elle s'entend moins bien avec Khadija, sa mère adoptive. Najwa sait tout ce qu'elle lui doit et l'aime énormément, mais la vieille Marocaine s'est mise à lui parler comme à une extraterrestre. Aux reproches d'avoir quitté la maison s'ajoute le malaise de ne pas comprendre son métier: «Virtuel de quoi? Tu passes tes journées à réfléchir à des choses qui n'existent pas?» C'est usant. Mais qui d'autre appeler? Najwa a rompu avec ses amis d'enfance pour pouvoir réussir et, une fois à Paris, sa réussite a pris trop de place pour s'en faire de nouveaux. Elle évite de causer à ses frères qui à chaque fois lui grattent de l'argent, elle évite aussi son père qui, lui, ne pense qu'à la marier.

NajwaAllô, maman, ça va? J'te dérange pas trop tard?
KhadijaÇa va, hamdoullah. Ne me dis pas que tu rentres juste du travail?
NajwaMaman, s'il te plaît…
KhadijaElle rentre à 22h, meskina! Ma fille est une esclave!
NajwaArrête, je gère.
KhadijaTu gères? C'est pas en travaillant non-stop que tu vas trouver un gentil mari.
NajwaMaman, s'il te plaît. Je t'appelais pour une bonne nouvelle, au travail.
KhadijaLe travail, le travail, y a que ça qui compte maintenant. Mais c'était pas ton idée, oui, le nouveau nom que j'ai entendu à la télé? Vipi?
NajwaPivi. Oui, c'est de moi. Mais attends, j'ai mieux. Mon autre idée, celle du Totem, tu te souviens? Le chef devait la valider à 16h et puis il a reporté… Mais je pourrais bien obtenir un nouveau bureau. Et une augmentation.
KhadijaMabrouk, ma fille, félicitations. Mais… Tu vas parler aux journalistes, encore?
NajwaBah oui. Définir la stratégie, surtout.
KhadijaIls vont t'embêter tout le temps! Qu'est-ce tu vas leur dire, aux journalistes, sur le voile? J'ai entendu que l'ordinateur voulait peut-être l'interdire, c'est vrai?
NajwaTu t'en fous, t'es pas voilée. Tu l'as jamais été…
KhadijaFais pas ta Parisienne. Tu sais très bien que c'est pour nous humilier. C'est méchant, c'est tout.
NajwaMaman… Rien de méchant, si c'est ce que les gens veulent.
KhadijaIls t'ont retourné la tête, on peut même plus te parler, ma fille!
Najwa

Personne ne m'a rien retourné. C'est mon boulot, c'est tout. Expliquer que Pivi écoute et respecte la volonté du peuple, OK? Sans tricher. Faut pas chercher plus loin. Et j'ai pas envie de parler de voile avec toi maintenant. Ni plus tard d'ailleurs. Allez, bonne nuit, bisous.

KhadijaAttends…

Najwa appuie au moins dix fois sur le rond rouge pour raccrocher, comme si s'acharner mettait encore plus fin à la conversation. D'un autre côté, comment sa mère pourrait-elle comprendre? Les parents de Najwa, deux Marocains de Rabat, étaient déjà âgés quand ils ont obtenu le droit de s'installer en France: Ahmed, 47 ans, et Khadija, 32. Avant de partir, avec leurs trois fils et rien d'autre qu'une vague promesse d'embauche, eux qui avaient toujours voulu une fille ont adopté Najwa. Elle n'avait pas 2 ans. La semaine d'après ils débarquaient tous en banlieue lyonnaise, à Vaulx-en-Velin, au Mas du Taureau, qui n'était pas exactement le paradis promis. Le quartier était surtout connu, découvraient-ils, pour avoir été le théâtre des «premières émeutes urbaines de France». En 1990, cinq jours durant, les jeunes riverains avaient tendu des guet-apens à la police, le centre commercial flambant neuf avait été réduit en cendres. Les archives dénichées par Najwa sur le web montrent des ribambelles de carcasses de 4L carbonisées. Elle n'a qu'à tendre le bras pour atteindre la bouilloire dans la kitchenette et se faire une infusion.

Sa mère a raison sur un point. Pivi est dur avec les quartiers populaires. Sur décision algorithmique, la moitié du 93 est sous couvre-feu depuis un mois. Pareil à Lyon, Marseille et Avignon. Najwa plonge le sachet rhubarbe-cassis dans l'eau bouillante. Comment juger? Pivi devait s'attaquer au problème. Il fallait tourner la page, c'est une évidence, tant pis pour celles et ceux restés dans la pliure. Pas le choix, tout reprendre à zéro. La barre du Pré de l'Herpe, où Najwa a grandi, a été rasée il y a longtemps, comme celle de la Luère, comme celle de Mont-Pilat, comme celles des Écharmeaux 1 et 2. Régulièrement, Najwa lance les vidéos des artificiers qui truffent son lieu d'enfance d'explosifs avant de le faire s'évanouir dans un grand nuage blanc. Étrangement, c'est pour elle un soulagement. Elle se dit que nous devrions tous, pour espérer avancer, avoir la chance de voir abattus les lieux de notre enfance.

Le pire danger du Mas du Taureau, selon Najwa, ce n'était pas que les traînards l'agressent. C'eût été de tout plaquer pour aller fumer avec eux, en bas, du matin au soir.

Oublier avec eux, qu'ailleurs, ils ne seraient jamais les bienvenus. Sauf Najwa, finalement, qui va quitter sa studette pour… Qui sait? Le nombre de pièces dépend du Totem. «Je mérite tellement mieux», soupire-t-elle en levant les yeux vers son lit collé au plafond. Si le projet Totem est validé, elle peut viser un loft. Et si le projet est un succès, le salaire allant de pair, pourquoi pas… Le Louvre tout entier? «Au diable, la tisane.» Tout est à portée dans cet appartement: Najwa renverse son mug dans l'évier tout en vérifiant de l'autre main si la bouteille est fraîche. Suffisamment. Champagne!

Elle se hisse sur la pointe des pieds pour attraper le seul verre à pied. Vibrato près du lavabo. Téléphone. Najwa baisse les yeux: Jean-Jacques Van Buiten. En visio. Merde! Rapide calcul… Elle n'a pas le temps de remettre son tailleur, tant pis, elle est encore maquillée. Elle va cadrer son visage de très près, il ne verra pas sa tenue. Elle pose le verre, elle va décrocher, l'autre main dans la confusion lâche la bouteille qui s'éclate au sol dans une flaque pétillante hérissée de bouts de verre. Elle aimerait passer l'éponge mais les éclats lui écorchent les genoux. Plus le temps, elle doit répondre.

Van BuitenJe te cherchais, t'es où, t'es déjà rentrée?
NajwaPardon, oui, je pensais que vous n'aviez plus besoin de moi…
Van BuitenPivi ne dort jamais, Najwa, logiquement toi non plus. Bon, ce sera par visio. Je voulais que tu me parles de ton idée d'incarnation. Comment ça fonctionne, que je comprenne?

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Najwa cache l'éponge dans son dos et prend une grande inspiration avant de commencer. Autour d'elle fond tout un archipel de petites îles de champagne confites aux paillettes de verre, mais même à genoux dans le halo de lumière faiblarde qui émane du congélateur, elle assure le pitch.

Najwa

C'est simple, Jean-Jacques, le Totem va tout changer, sans rien changer. Je l'ai nommé ainsi parce que c'est avant tout un symbole. Presque un élément de décoration, un poste sans pouvoir précis, mais qui agira à l'unité de la nation. Un citoyen désigné par les Français pour les représenter. Pour se faire haïr ou adorer par la presse. Pour incarner l'État.

Van BuitenChoisi sur quels critères?
NajwaAucun. Je veux dire, on ne doit pas se limiter: sportif, astronaute, chanteur, cinéaste, médecin, associatif, animateur... Intelligent ou pas, religieux ou pas, avec ou sans casier judiciaire... juste la personnalité préférée des Français. L'important, c'est que les masses débordent d'amour et ça ruissellera sur Pivi. La question doit être tournée ainsi: «Qui jugez-vous aujourd'hui le ou la plus digne de représenter la République française lors d'événements officiels?»

Jean-Jacques se triture le menton, costume noir dans le gris de son bureau, lumière crue.

Van BuitenMouais... Ce Totem pourrait prendre des positions personnelles. Imagine, s'il mène des combats qui n'ont rien à voir avec les nôtres. Tu sais que les gens attendent de nous l'image d'une parfaite neutralité. Il va brouiller notre posture.
NajwaOn peut coucher ça par contrat. Et puis, attention, le Totem est révocable à tout instant. Une déclaration qui déplaît? Hop, notre service de com' entre en action, hop, polémique, hop, les gens se lassent, hop, héros suivant.
Van BuitenVu comme ça... Ça pourrait le faire.

Najwa affiche un grand sourire, sincère pour une fois. Jean-Jacques se renferme aussitôt.

Van BuitenJe ne change pas d'avis sur le fond. Vouloir faire subsister l'idée qu'existe une «France», c'est stupide, les frontières s'effacent depuis si longtemps. Les nations n'avaient déjà plus beaucoup de sens; sans la politique, c'est carrément du passé. Mais c'est vrai, je te l'accorde, il y a encore des Coupes du monde de foot et des cérémonies.
NajwaEt des catastrophes! On sera bien content d'envoyer le Totem en cas de séisme ou de tsunami. Pivi ne peut serrer personne dans ses bras, il ne se rend à aucun enterrement, n'organisera jamais de dîner discret chez lui pour nous aider à résoudre un problème.... Le Totem, lui, fera des bises, ira sur les plateaux télé et pleurera de vraies larmes! Jean-Jacques, franchement, comment le chouchou des Français pourrait desservir notre message? Vous allez me dire que je fais dans la rubrique people, mais c'est tout ce qui occupe les infos désormais. Chaque succession sera un événement national. Pour nous, une tribune de luxe.
Van BuitenLe nom, en revanche, je ne suis pas sûr. Totem, ça fait pas un peu... gag?
NajwaOn joue la proximité. Surtout pas de titre ronflant. Ce n'est pas un faux-président, zéro prétention. Totem, ça claque, c'est léger. Surtout, rien de pompeux. À choisir, je préfère que ce soit un peu ridicule. Il faut le voir comme une élection de délégué de classe, en plus grand et plus utile pour nous.
Van BuitenTu y as beaucoup réfléchi. Dis-moi... Si ce Totem voyait le jour, tu te verrais gérer sa com', devenir son attachée de presse?
NajwaÉvidemment! Je pensais plutôt «cheffe de cabinet» qu'attachée de presse parce que…
Van BuitenOn verra. Allez, je soumets l'idée tout de suite. J'aimerais qu'on avance vite, que ce soit validé cette nuit par l'Algorithme... Par Pivi, pardon! Faut que je m'y habitue. Garde ton téléphone près de toi, je te sonne dès qu'il y a du nouveau.

Il raccroche. Au sol, Najwa repère une mini-flaque de champagne sans verre pilé. Elle y trempe son doigt, le porte à sa bouche. Encore une victoire.

Dans le prochain épisode:Quand il entend parler du Totem, Ghislain caresse un instant l'espoir de retrouver les arcanes du pouvoir. Ses vidéos anti-Pivi commencent à trouver leur public, peut-il pour autant espérer rivaliser dans cette élection avec les champions sportifs et autres popstars?

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