Totem, c'est parti ! Après deux ans de travail, Orange a lancé commercialement mardi cette nouvelle filiale censée l'aider à retrouver des couleurs en Bourse, au prix d'un vrai changement de modèle pour l'opérateur. Car Totem est une… « tower co », une société de pylônes de téléphonie mobile. Annoncée fin 2019 par Stéphane Richard, cette entreprise distincte (mais détenue à 100 % par Orange) avait commencé à prendre forme en février cette année, lorsqu'Orange y avait placé les 26.000 sites mobiles (les emplacements où se trouvent les antennes 4G et 5G) qu'il détenait jusqu'à présent en France et en Espagne, ses deux plus « gros » pays.

La nouveauté est qu'à partir de maintenant, les autres opérateurs pourront venir se « greffer » sur ces sites mobiles, en échange d'un loyer versé à Orange pendant quinze à vingt-cinq ans. Certes, la mutualisation des infrastructures entre plusieurs opérateurs existait déjà dans les télécoms, mais surtout à la campagne, où déployer des antennes en propre est moins rentable et plus coûteux.

Mais cette fois-ci, Orange va même ouvrir à la concurrence son réseau urbain, jalousement gardé jusqu'à présent. Par exemple, 3.000 « toits-terrasses » très prisés - comme celui de la rue de Bassano, dans le 16e arrondissement parisien - vont être ouverts à la location. Dans ce modèle, Orange devient lui-même locataire et versera un loyer à Totem.

40.000 tours en Europe

« Ce sont des sites stratégiques, très précieux, raconte Nicolas Roy, le directeur général de cette nouvelle filiale de 150 personnes. Le propre de Totem, c'est justement de créer de la valeur avec ce parc. » 30 % des sites accueillent déjà au moins un opérateur (en plus d'Orange), ce qui permet à Totem d'afficher un chiffre d'affaires de 500 millions d'euros et un Ebitda de 300 millions. L'objectif est de monter à 50 % d'ici cinq ans.

Orange lance Totem et ouvre ses tours mobiles aux autres opérateurs

D'ici à 2029, 3.000 sites nouvellement construits viendront s'ajouter aux 26.000 existants. Totem pourra aussi héberger les tours d'Orange dans les autres pays d'Europe où il est présent, comme la Pologne, la Slovaquie, ou la Roumanie. Sachant qu'au total, Orange détient 40.000 tours sur le Vieux Continent.

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Orange était l'un des derniers opérateurs européens à ne pas encore avoir lancé sa « tower co ». Deutsche Telekom avait placé ses 32.800 tours dans Deutsche Funkturm… en 2002. En Italie, TIM et Vodafone ont mis en commun leurs 22.000 tours dans Inwit en 2020 puis vendu 30 % de l'ensemble au fonds français Ardian. Vodafone, lui, avait créé Vantage Towers (82.000 tours dans 10 pays) l'année dernière. Le géant britannique a même levé 2,3 milliards d'euros en cotant la nouvelle structure en Bourse en février, soit la plus grosse IPO du début d'année en Europe.

Faire « ressortir » la valeur des tours

C'est l'intérêt des « tower co » pour les opérateurs : placer les tours dans une société à part permet de mieux faire ressortir leur valeur. Ces infrastructures, qui sous-tendent tous nos usages numériques, sont particulièrement appréciées des marchés. Elles offrent des revenus stables et de long terme.

Pour retrouver grâce aux yeux des investisseurs, les opérateurs victimes du désamour des marchés n'hésitent donc plus à placer leurs tours dans des « tower co » et vendre ensuite tout ou une partie de la structure à des investisseurs. En France, Altice a vendu cette année les 10.500 tours d'Hivory, sa filiale codétenue avec KKR depuis 2018, à l'espagnol Cellnex, le champion européen des pylônes, pour 5,2 milliards d'euros. Cela permet de lever des fonds - même s'il faut ensuite payer les « tower co » pour les services qu'elles rendent.

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Orange en fera-t-il de même ? « Nous voulons rester actionnaire majoritaire, ou en tout cas avoir le co-contrôle à 50-50 », assure Nicolas Roy, laissant donc la porte ouverte. Quant à une possible cotation en Bourse, ce « n'est pas à l'ordre du jour », affirme l'ex-directeur technique des réseaux d'Orange France. En revanche, Totem compte bien faire de la consolidation et racheter des tours pour faire émerger un contrepoids à Cellnex. L'espagnol est désormais le numéro un en Europe, avec 75.000 tours dans 12 pays… dont 27.000 en France.

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