Canal+ diffuse ce mardi 1er février, à 22 h 50, un documentaire inédit du journaliste d'origine corse Paul Comiti, décédé récemment. Un film sur la situation à Kaboul depuis la prise de pouvoir des talibans le 15 août dernier, qui résonne aussi comme un hommage à ce grand reporter de guerre

"Il faudra y retourner dès que possible pour montrer ce qui se passe réellement là-bas avec le retour des talibans'', nous confiait le journaliste Paul Comiti, peu après la diffusion de son documentaire événement, Kaboul, au cœur des talibans en août2021.

Un film tourné juste avant que la capitale afghane ne tombe entre les mains des milices islamiques. Le reporter avait finalement pu repartir sur place, trois semaines après la prise de contrôle des talibans, pour réaliser ce nouveau 52minutes: Retour à Kaboul sous émirat taliban.

Dernier voyage à Kaboul | Corse Matin

Grâce à un accès exclusif, il éclaire ainsi sur ce qui se passe vraiment dans ce pays désormais gouverné par les fondamentalistes islamistes, et notamment sur la place des femmes.

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" Si le retour des talibans au pouvoir est vécu comme une bonne nouvelle pour la paix dans cette région, en revanche, c'est une catastrophe pour les droits des femmes. C'est en fait la fin de leurs droits durement acquis pendant les années de présence américaines", constate Véronique de Viguerie, photoreporter française, que Paul Comiti avait suivie dans le premier documentaire et qu'il a retrouvée en Afghanistan après un véritable périple pour rejoindre Kaboul.Dernier voyage à Kaboul | Corse Matin

La "drague" des journalistes étrangers

"Repartir là-bas s'est avéré assez compliqué, relate la journaliste. D'abord parce qu'il n'y avait plus de vol direct. Il a donc fallu prendre un billet pour le Pakistan et sa capitale Islamabad. Ensuite, traverser la zone tribale qui est en principe interdite aux étrangers, et franchir le poste frontière à pied. Tout en se procurant un laissez-passer fourni par le ministère sur place. Une fois en territoire afghan, c'était un peu plus facile puisque nous savions que les talibans nous attendaient. Très serviables et toujours souriants avec nous, ils pratiquent une sorte de ''drague'' avec les journalistes étrangers. Ils nous ont même ouvert les portes d'une prison! Une politique de communication et de séduction pour montrer que tout va bien."

Dernier voyage à Kaboul | Corse Matin

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Une fois à Kaboul, Paul Comiti a cherché à recontacter les Afghans précédemment rencontrés: en premier lieu, Kamar Gul, une jeune fille qui a abattu les quatre talibans qui venaient d'assassiner ses parents sous ses yeux. "On a essayé, à plusieurs reprises, de la faire évacuer quand cela était encore possible l'été dernier, mais en vain. Finalement, elle est encore coincée à Kaboul", constate Véronique de Viguerie qui a aussi retrouvé Arifa, une jeune lycéenne désormais "confinée" chez elle car les talibans ont interdit l'école pour les filles de plus de 12 ans. Tandis qu'une autre femme engagée en politique, également rencontrée précédemment, a complètement disparu des radars. "A-t-elle été enlevée, arrêtée ou a-t-elle pu s'évader? Nous n'avons pas pu retrouver sa trace", glisse la photoreporter, dont le film préparé avec la complicité de Paul Comiti est volontairement axé sur la condition féminine dans ce pays.

"Un pays où les femmes sont redevenues des citoyennes de seconde zone. Pour réclamer leurs droits, certaines ont le courage de protester dans la rue, mais elles ne sont pas soutenues par les hommes. Et les manifestations sont aussitôt dispersées par des tirs d'armes automatiques et des coups de fouet."Dernier voyage à Kaboul | Corse Matin

Pauvreté et toxicomanie

Le documentaire met aussi en évidence un pays en pleine crise économique, où nombre d'Afghans vendent leurs biens sur les marchés aux puces de la capitale pour survivre. " Les talibans ont pris le contrôle d'un pays miné par la corruption incroyable des gouvernements antérieurs, sans compter une sécheresse impressionnante et un chômage sans précédent. Tout cela a favorisé l'arrivée des talibans. À cela s'ajoutent les sanctions économiques qui touchent le pays et qui compliquent l'action des ONG humanitaires sur place. Au final, ce sont les populations civiles qui payent l'addition. Tous les hôpitaux sont remplis d'enfants qui crèvent de faim et les rues regorgent de mendiants ", atteste la photographe. " Ce qui explique que les talibans soient plus ouverts, c'est qu'aujourd'hui le pays ne peut pas vivre en étant coupé du reste du monde. Ils soignent leur image et cherchent à être davantage reconnus par la communauté internationale. L'Afghanistan a besoin d'échanges commerciaux ", ajoute Véronique de Viguerie.

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Au cours de leur séjour à Kaboul, les deux journalistes retrouvent même un commandant taliban, filmé pendant l'offensive et devenu l'un des chefs de la police de Kaboul. Après vingt ans de combat, il profite avec ses hommes des autos tamponneuses dans un parc d'attractions de la capitale et déjeune tranquillement dans un restaurant.

En le suivant dans plusieurs lieux, ils rencontrent de nombreux drogués. " La ville compte énormément de toxicomanes et les talibans auraient promis de s'emparer du problème ", note la photographe.

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Avant la prise de Kaboul, Paul Comiti avait de son côté pu rencontrer un seigneur de guerre hostile aux talibans, dans sa somptueuse villa. " Depuis, Allah Gul Moudjahid a retourné sa veste, mais trop tard. Devant la caméra, il est arrêté et humilié par les nouveaux maîtres du pays ", apprend-on encore dans le documentaire.

"Presque comme chez lui en Afghanistan"

Un film événement, comme la plupart des reportages réalisés par Paul Comiti au cours de sa carrière, mais qui sera malheureusement aussi son dernier. Emporté par un arrêt cardiaque à l'âge de 51 ans, en ce début d'année 2022, le reporter était un spécialiste du triangle Inde/Pakistan/Afghanistan. " J'avais justement connu Paul vers 2005 dans cette région, se souvient Véronique de Viguerie. Quelqu'un de très sensible, de très talentueux. Sans doute l'un des meilleurs reporters de guerre de sa génération. Il va manquer à beaucoup de monde dans le métier et pas seulement. Ses deux derniers films sur cette région du globe sont le reflet de sa sensibilité à fleur de peau. En Afghanistan, il se sentait presque comme chez lui. Sans doute parce que le pays est à vif, un peu comme lui. Il comprenait cette culture afghane et quelque part, il partageait aussi le fatalisme de ce peuple face à la vie. "

Pour ceux qui l'ont connu, Paul Comiti était avant tout " un journaliste chevronné qui prenait tous les risques pour montrer la réalité du terrain sur ce qui passe à travers le monde. Avec beaucoup de bienveillance. Un personnage attachant avec une âme d'enfant, toujours prêt à rigoler et un peu irresponsable par moments. Il n'y avait pas de filtre avec lui ".

Fils du grand reporter Tony Comiti et petit-fils du chef des gardes du corps du général De Gaulle, il avait commencé sa carrière en 1993, à l'âge de 23 ans, en filmant la guérilla Farc et les narcotrafiquants d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud, avant de recevoir son premier prix en 1999 pour Les mineurs du Diable, un documentaire qui dévoile le travail des enfants dans les mines en Bolivie.

Prix des correspondants de guerre en 2009 pour un documentaire sur les troupes occidentales en Afghanistan, il avait même été arrêté et placé en détention puis expulsé du Cachemire indien, près de la frontière avec le Pakistan en 2017, après avoir été interpellé lors de repérages en prévision d'un film sur la situation sécuritaire et le respect des droits de l'homme dans cette région. Un habitué des zones de guerre, de la veine des Albert Londres. Et bien sûr de son père, le célèbre producteur de documentaires Tony Comiti, dont bon nombre de reportages signés par Paul étaient diffusés dans les émissions d'investigations de la chaîne M6.

Touchés par sa disparition, Bernard de La Villardière et l'équipe d'Enquête exclusive ont d'ailleurs tenu à lui rendre hommage: "Paul était un réalisateur de talent, une personnalité hors norme. Il a parcouru le monde entier pendant plus de trente ans, rapportant des films plusieurs fois primés. Il bravait le danger pour informer les gens sur ce qui se déroule dans les coins les plus tendus du globe."

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