Tu viens d’être nommé joueur du mois pour la sixième fois de ta carrière, dépassant Zlatan Ibrahimovic. Ça te fait quoi ?
« Je suis fier parce que ça laisse une trace. Zlatan, ce n’était pas n’importe qui, on sait ce qu’il a fait dans le championnat et au club. Passer devant lui, c’est symbolique. »
Certains joueurs parlent de gagner le Ballon d’Or avant de parler aux trophées et de penser en équipe. Tu en penses quoi ?
« J’étais comme ça aussi (il se répète), mais quand tu gagnes des trucs importants collectivement… Moi j’ai eu la chance de gagner des choses importantes collectivement, tu réalises qu’en fait ce sont eux (l'équipe) qui te propulsent. Toutes les fois où j’ai pensé que je pouvais tout faire tout seul, on n’a pas gagné. »
Comme je sais que tu utilises bien ton cerveau, c’est ce que j’aime avec toi, si je te dis 7+3 et 10-3, ça te dit quoi ? De l’extérieur, quand vous attaquez, votre équipe est un 7+3, mais parfois, quand vous défendez, ça se transforme en 10-3.
« On a conscience qu’on doit faire plus. Quand tu as trois joueurs de ce niveau-là, trois joueurs de ce statut-là, on ne peut pas se cacher. »
«(Rires) Je prends l’exemple de City. Je ne pense pas qu’on n’avait pas la volonté de se replacer. Après, on était dans une configuration où on était harcelés. On était dans notre camp et on a joué les coups à trois parce qu’on n’avait pas la maîtrise. Et à partir du moment où tu joues les coups à trois, on avait 70 mètres pour faire des contre-attaques. C’est sûr qu’il y aura parfois des moments où on ne sera pas là en défense. Après on a conscience qu’on doit faire plus. Quand tu as trois joueurs de ce niveau-là, trois joueurs de ce statut-là, on ne peut pas se cacher. On assume ça et je pense qu’il faut qu’on crée quelque chose où on ne soit pas décollés du collectif, que ce soit défensivement mais aussi offensivement. Si Messi ou Neymar doit revenir dans ses 60 mètres pour toucher les ballons, c’est sûr qu’on sera décrochés. Je pense que c’est quelque chose qu’on doit essayer de trouver tous ensemble, mais bien sûr que nous on doit y mettre du nôtre. »
J’aime bien ce que tu viens de dire, parce que tu as notamment souligné un point important en expliquant que vous devez vous recoller à la défense. Nous, au Barça à l’époque, notre défense était beaucoup plus haute, plus derrière nous. Parlons maintenant de ton jeu, j’étais un très grand fan du Mbappé de Monaco, jusqu’à la Coupe du Monde 2018, où tu as fait très mal, mais j’étais un peu déçu ensuite. Aujourd’hui, je suis de nouveau attentif à ton évolution.
« Je suis arrivé à Paris, où j’ai appris un nouveau football. »
« J’ai appris un nouveau football. J’ai commencé dans un football de transitions, dans une équipe – Monaco – où c’était aqua boulevard. On jouait, mais tout le monde nous laissait limite marquer. Je suis arrivé à Paris où c’était fini ça. Tous les week-ends c’est du 5-3-2 (en face), personne ne vient nous chercher. Tout le monde met le bus. J’ai commencé, j’ai joué à droite alors que je n’avais jamais joué à droite. J’ai appris un nouveau football. Tu apprends un nouveau statut, tu découvres un nouveau vestiaire. Monaco était un grand club, mais quand tu arrives au PSG avec des stars internationales, des gens qui sont des patrons de leurs pays, qui ont tout gagné… T’intégrer dans un vestiaire, c’est compliqué aussi. Il y a un prix aussi. On t’a acheté cher, on t’a acheté pour faire autre chose que le neuf et demi. C’était un autre système, d’autres choses, mais j’ai réussi à m’en sortir. Je pense qu’il fallait digérer ça. C’est ce qu’on voit aujourd’hui aussi quand des jeunes joueurs sont transférés dans des nouveaux clubs. Ils sont en difficulté parce qu’on te demande d’autres choses. Aujourd’hui, on te demande de tout de suite être prêt. Il n’y a plus ce côté « oui on veut te développer ». Non, non, non… On ne t’aurait pas acheté aussi cher si on voulait te développer. On t’achète pour avoir des résultats tout de suite. »
Plutôt passe ou but ? J’ai souvent vu que tu étais obnubilé par le but, mais j’ai l’impression que tu as senti que c’était important de rendre les autres meilleurs.
« Je me suis surtout dis que quand tu veux être un joueur spécial, pourquoi choisir quand tu peux faire les deux ? Je suis le meilleur passeur du championnat. Je crois que ça fait trois ou quatre ans que je suis le meilleur passeur de la Ligue des Champions. Donc ça prouve que je ne suis pas non plus qu’un égoïste qui ne pense qu’à marquer. Mais je pense que je peux encore développer ça pas mal, car je pense que ça ne me limite pas dans mon jeu. »
« Les gens qui payent leur place, ils s’en foutent de tes états d’âme, que tu veuilles partir, que tu aies raté un penalty. »
Quelque chose m’a frappé, et j’ai l’impression que ça a été une petite gifle pour toi, mais ce penalty raté à l’Euro l’été dernier a eu un impact fort sur ton attitude, non ? J’aimerais savoir comment tu t’en es sorti et qui t’as aidé ?
« Quand tu prends un mur, et l’Euro est un mur, car tu te fais éliminer en huitièmes de finale et tu rates un penalty, tu te poses tout de suite des questions parce que ça ne s’est pas bien passé. Donc pourquoi ça ne s’est pas bien passé ? Et après j’ai mes parents. J’ai beaucoup discuté avec ma mère et mon père. Ils m’ont dit, en sachant ce qui allait se passer, parce que je savais que je voulais partir, de vraiment me recentrer sur le terrain. Peut-être que je mettais trop d’énergie dans autre chose. Ce qui avait fait ma force, c’était le terrain et la meilleure réponse que je pouvais donner, c’était être sur le terrain. Les gens qui payent leur place, ils s’en foutent de tes états d’âme, que tu veuilles partir, que tu aies raté un penalty. Ils viennent voir jouer le numéro 7 du PSG, voir ce qu’il peut faire et sait faire. »
Pour l’avoir vécu, je sais que les avant-matchs ne sont pas toujours simples à gérer. Qu’est-ce qui te fait peur ?
« De ne pas gagner, de décevoir. Parce que tu es exigeant avec toi-même. Les gens sont exigeants avec moi, mais moi je le suis encore plus qu’eux. Tu as toujours une sur-exigence envers toi-même. Tu sais ce que c’est, tu te parles à toi-même. Tu te dis que tu ne peux pas être comme ça, tu ne peux pas décevoir, tu ne peux pas mal jouer. C’est quelque chose qui t’anime tous les jours. »
Pour l’instant, selon moi, tu es le patron du PSG cette saison. Est-ce que tu penses que c’est la même vision pour tout le monde ?
« (Il réfléchit) C’est difficile parce que, quand tu joues dans une équipe avec Neymar et Messi, t’autoproclamer patron c’est osé. Maintenant, c’est sûr que je suis dans une grande période, l’équipe tourne bien, j’arrive à l’aider au maximum. Mais dire qui est le patron, on s’en fout un peu. Le but, c’est de mettre les trois dans les meilleures conditions parce qu’on est, comme on dit en anglais, trois « game changers » (Henry rit). Des joueurs qui peuvent changer le match. Tant mieux, c’est comme ça. »
J’ai déjà fait un entretien avec toi en anglais, mais aussi en espagnol. Tu maîtrises très bien cette langue, non ?
« (Il éclate de rire) Oui, mon espagnol est très bon, mais c’est parce que j’ai voulu être un grand joueur de foot, un personnage public et quelqu’un d’important. Aujourd’hui, tu ne peux pas vouloir être une star internationale et ne parler que français. Ça n’a aucun sens. Il faut savoir s’adapter à toutes circonstances. Tu arrives là-bas, tu sais parler. (Henry le relance en sous-entendant un départ futur au Real Madrid). (Rires) Non, avant tout ce n’était pas pour ça. Après si ça me sert (à l’avenir), tant mieux. On ne va pas s’en priver. »
« Je suis super bien ici, je l’ai toujours dit. »
Je ne voulais pas te poser la question, parce que tout le monde évoque tout le temps ton avenir.
« Un jour il y a ça, un jour il y a autre chose. Il se passe tellement de nouvelles choses qu’aujourd’hui tu dois prendre le temps. C’est une décision qui n’est pas facile. Quoi qu’il arrive, je vais jouer dans un grand club. C’est pour ça que, quand les gens me disaient « tu n’es pas trop déçu de ne pas avoir été transféré ? » je répondais « oui, un peu au début, c’est normal quand tu voulais partir ». Mais, je ne suis pas resté dans un club de National. Je suis dans un club qui veut gagner la Ligue des Champions. Et en plus, je suis Parisien, j’ai toute ma famille ici. Je suis super bien ici, je l’ai toujours dit. C’est juste qu’à ce moment-là, je voulais découvrir autre chose. (Henry le relance en espagnol) Je ne vais pas parler espagnol avec toi, je vois où tu veux m’emmener (rires). »
Merci, continue comme ça et « hasta luego » (Les deux éclatent à nouveau de rire).
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