Peggy Guggenheim a toujours été une mal aimée. Pas assez jolie, pas assez intelligente, à peine assez riche. On ne le pardonne pas aux femmes. Elle multiplia pourtant les conquêtes, souvent avec les plus grands artistes de son temps, mais en récolta surtout une réputation de nymphomane. L' époque ne fut pas tendre avec elle, beaucoup la méprisaient quand d'autres profitaient d'elle.

Le film qui lui est consacré réhabilite ce génial personnage secondaire de l'histoire de l'art. C'est à la réalisatrice de ce documentaire qu'on devait déjàDiana Vreeland : The Eye Has to Travel,passionnant portrait de la rédactrice en chef star duVogueaméricain dans les années 60, qui creusait le sillon d'une historiographie des figures périphériques du siècle. Les intervenants qui témoignent devant sa caméra ne sont souvent pas tendres.

"Intelligente ou idiote, elle était toujours Peggy Guggenheim"

Comme l'écrivain Edmund White, qui avait connu Peggy à Venise. Dans ses mémoires, il avait dessiné d'elle un portrait éloquent : "Bien qu'elle ne s'intéressât pas à grand-chose, elle avait conscience de sa position, qui était à ses yeux celle d'un monarque. Quand un gros bonnet était en ville, Peggy organisait pour lui une réception, vêtue d'une toge, pleine de signification historique, qui la boulottait.

"Cette robe de soie beige était faite de centaines de petits plis. Peggy nous avait raconté qu'elle la roulait et en faisait un nœud pour l'envoyer chez le teinturier à Londres. Passé 80 ans, elle se mit à poser pour les photographes et donna des interviews farfelues à la presse. Qu'elle soit intelligente ou idiote, elle était toujours Peggy Guggenheim."

Peggy Guggenheim ou l'art d'aimer

Un goût qui force le respect

Consciente de ses propres limites, comblées très tôt par une excentricité et un appétit pour les hommes qu'elle avait le talent de choisir, "star fuckeuse" avant l'heure dotée d'un nom, à défaut d'un immense patrimoine, qui pouvait lui ouvrir les portes des cercles d'influence, elle apprit l'art sur le tard, en autodidacte, avouant ne pas trop s'y connaître au début. Mais avec un flair hallucinant.

Arrivée à Paris dans l'entre-deux-guerres après avoir quitté son New York natal, elle fréquenta très vite sa sphère artistique, qui vivait la révolution surréaliste. Pour perdre sa virginité, elle épousa à 23 ans Laurence Vail, qu'on appelait "le roi de la bohème" dans le milieu intellectuel parisien. Il fit en quelque sorte son éducation, malgré un mariage houleux. Il était évident que la place de cette femme trop moderne pour son temps, devenue femme battue et mauvaise mère, n'était pas celle d'une "housewife".

Une collection qui fut d'abord refusée par le Louvre

Peggy choisit d'être galeriste. Avec un goût qui aujourd'hui force le respect. Elle mit alors dans son lit Beckett, Duchamp ou Brancusi, et commença à collectionner compulsivement les œuvres qu'elle achetait à un prix modique. Et en ne se trompant jamais. Revenue à New York pendant la Seconde Guerre mondiale après avoir mis à l'abri sa collection (à l'époque refusée par le Louvre), elle y découvre alors l'avant-garde américaine et se fait la mécène de Jackson Pollock, qu'elle contribue grandement à faire connaître. Ce fut une révolution dans un monde qui, par instinct, refusait l'art abstrait.

D'elle, on garde aussi le souvenir de cette série de photos prise dans son palais vénitien, chaussée de lunettes excentriques et entourée de ses petits chiens. Retranchée à Venise après la guerre, elle finira sa vie de mondaine à la veille de Noël 1979, sans vraiment de famille et pas vraiment plus d'amis. La demeure où elle est enterrée est aujourd'hui l'un des musées les plus connus du monde.

Son nom est aussi associé à celui du musée Guggenheim de New York, auquel elle fit don de sa collection mais qu'elle aimait dénigrer, l'appelant"le parking de mon oncle",vu le peu d'égards qu'elle avait pour ce parent industriel. A la fin de sa vie, quand on lui demandait si elle était nostalgique de ne plus pouvoir parler avec Max Ernst ou André Breton, elle répondait qu'elle aimerait surtout redevenir jeune et avoir des amants. "Je ne peux pas être jalouse du passé, seulement du futur."Peggy Guggenheim était un personnage du présent. Et l'heure des hommages sonne toujours avec un peu de retard chez ceux pour qui l'avenir dure longtemps.

PEGGY GUGGENHEIM, LA COLLECTIONNEUSE de Lisa Immordino Vreeland (Etats-Unis, 1 h 36). Déjà en salle.

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