Dans le nouveau classement Universum à paraître dans Les Echos START ce lundi, TotalEnergies arrive dans le top 10 des entreprises du CAC 40 les plus engagées selon les étudiants et les jeunes actifs, qu'est-ce que ça vous inspire?
C'est une bonne nouvelle, les efforts commencent à porter leurs fruits. Et ce n'était pas gagné. TotalEnergies est une entreprise puissante, devenue géant mondial, qui déchaîne depuis longtemps les passions et alimente les fantasmes, notamment en France avec des campagnes de dénigrement.
L'avis des jeunes est très important pour moi. Sur le défi majeur du changement climatique, ils ont envie d'accélérer. Je l'entends avec Greta Thunberg ou même avec mes enfants, le sujet est devenu existentiel. Ils veulent que l'impératif catégorique décrit par les scientifiques soit pris en compte, et je les comprends car eux seront encore là dans cinquante ans…
On voit grandir, dans une frange de la jeunesse, une défiance à votre égard. Certains l'assurent: «Jamais je n'irai travailler chez Total.» Comment recevez-vous ces prises de position radicales?
Tout d'abord, cette frange bénéficie d'un écho médiatique très fort, mais je constate que les jeunes continuent à vouloir nous rejoindre. Ceci dit, quand je me déplace dans les grandes écoles, je remarque cette radicalité chez une partie d'entre eux, ce qui renforce mon envie et ma conviction que nous devons continuer à les convaincre de notre engagement.
Faut-il comprendre que ces jeunes, inquiets pour l'avenir de la planète, se trompent lorsqu'ils s'opposent à votre entreprise?
Les jeunes ont une capacité à avoir plus d'idéaux, et on doit le respecter. Seulement, cette radicalité me frustre lorsqu'elle refuse de voir les faits. TotalEnergies se transforme profondément: nous consacrons par exemple plus de 25% de nos investissements dans les énergies renouvelables!
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Mais je dois dire que ces prises de position nous amènent aussi à évoluer. Nous avons enclenché une réforme majeure de l'entreprise en créant OneTech, une division technologique qui réunit nos3.300 ingénieurs, techniciens et chercheurs, qu'ils travaillent sur le pétrole, le gaz ou les renouvelables. Pourquoi? Parce que les compétences internes développées sur nos activités historiques doivent être mises au bénéfice des nouvelles énergies. Par exemple, on s'est aperçu que l'optimisation mathématique d'un réservoir de pétrole est très proche de celle d'un gisement de vent pour les études techniques d'éolien offshore.
Nous l'avons aussi créée pour attirer les jeunes. TotalEnergies ne leur propose pas non plus d'intégrer par exemple la branche raffinage, où ils ont peut-être moins envie d'aller, mais de rejoindre une structure «Total multi-énergies» et de répondre aux défis énergétiques.
Pour assurer ce virage énergétique, quels sont vos besoins en recrutement?
En 2021, le plan de départs volontaires de 1.200 personnes a permis d'accélérer les recrutements de jeunes. Sur deux ans, nous nous sommes engagés à en recruter 700, dont la moitié sur des métiers liés à la transition énergétique. Une partie sera faite via la structure OneTech, à qui j'ai donné une instruction: recruter uniquement des moins de 35 ans. Je veux des jeunes pour construire le TotalEnergies de demain!
Un lecteur, qui souhaite rester anonyme, voudrait savoir: «Les postes les plus en vue continueront-ils d'être trustés par les diplômés de Polytechnique, Mines,etc., ou souhaitez-vous favoriser la diversité des parcours?»
D'abord, nous sommes loin de recruter uniquement des polytechniciens, je crois qu'en fait il y en a deux ou trois par an. Ensuite, nous cherchons effectivement à diversifier les profils. Ce n'est pas parce que vous avez décroché un diplôme que vous êtes plus intelligent qu'un autre. Vous avez simplement montré que vous êtes meilleur en maths ou en physique, mais la vie, ce n'est pas seulement des maths et de la physique. C'est du courage, une capacité à écouter et à convaincre, avoir du charisme, entraîner les autres…
Je peux donc vous assurer que les recrutements se font dans toutes les gammes d'écoles et d'universités et qu'il n'y a pas de quota pour les grandes écoles. Tout jeune qui sort de ces études supérieures et qui s'intéresse à l'énergie peut nous envoyer sa candidature. Ce qui m'intéresse? Des personnalités engagées, capables d'écoute et de jouer collectif.
Sur quels leviers jouez-vous pour les convaincre de vous rejoindre?
Décarboner un système énergétique mondial est une tâche prométhéenne. Rejoindre une entreprise de notre taille, en pleine transformation, c'est l'assurance d'avoir plus de compétences techniques et de moyens financiers, et donc plus de leviers d'action.
Concernant le télétravail, vous dites que la pandémie vous a encouragé à laisser davantage de flexibilité aux salariés. Une autre idée fait actuellement son chemin: la semaine de quatre jours. Pourrait-elle être une mesure déployée chez TotalEnergies pour recruter et fidéliser?
Je suis prêt à regarder ce sujet de près. Avec la crise du Covid-19, depuis septembre, on s'aperçoit que le taux d'occupation de nos bureaux est de 65% du lundi au jeudi. Le vendredi, c'est moitié moins. Je me demande s'il ne faudrait pas libérer une demi-journée, voire une journée entière, pour permettre aux salariés de s'occuper de leurs tâches personnelles pour que le reste de la semaine soit dédié à leur mission professionnelle. Mais je suis aussi prêt à faire confiance à la responsabilité de nos salariés pour que le télétravail soit intégré pleinement dans nos modes de fonctionnement.
Il y a ceux que vous souhaitez recruter et ceux en interne qui peuvent aussi s'interroger sur le sens de leur travail…
En effet, ce n'est pas parce qu'ils sont entrés chez TotalEnergies qu'ils ne se posent plus de questions. Je suis d'ailleurs persuadé que certains salariés se demandent pourquoi la direction générale prend telle ou telle décision. Eh bien, cette année, nous allons organiser un campus des jeunes: 300 collaborateurs de moins de 35 ans, volontaires puis tirés au sort, seront mis face à 30 dirigeants de l'entreprise, et nous leur demanderons ce qu'ils feraient à notre place: comment attirer des jeunes, notre présence au Myanmar, nos projets en Arctique ou en Ouganda. J'ai aussi envie de connaître les sujets sur lesquels ils ont envie que l'entreprise accélère.
Le risque de ce type d'initiatives est que leurs propositions restent au stade des bonnes idées. Vous engagez-vous à les concrétiser?
Les bonnes idées seront transformées en actions. J'ajoute que, si nous allons beaucoup les écouter, nous avons aussi des choses à leur faire entendre. Ils comprendront que les sujets ne sont pas si simples et que, dans une grande entreprise, ils ne peuvent pas tout savoir. Quand on est jeune, c'est facile de dire: «Là-haut, au 44e étage, qu'est-ce qu'ils ont encore fait comme âneries!?» Ce campus sera une étape utile à la transformation de l'entreprise.
Sur votre transformation, justement, une question de Dany (21 ans): «Les énergies renouvelables représentent aujourd'hui un très faible pourcentage de vos activités, contrairement à ce que laissent penser votre nouveau nom et les campagnes publicitaires. D'accord, les transitions sont longues, mais TotalEnergies ne fait-il pas du greenwashing?»
Pas du tout. Nous financerons cette année des projets d'énergies renouvelables à hauteur de 7milliards de dollars, dont plus de 3milliards en fonds propres. Nous parlons ici de 6 gigawatts d'électricité d'origine renouvelable mis en service en 2022, soit 2% de ce marché mondial. Cela fait plus de 60milliards d'investissements verts d'ici à 2030. Notre transformation est réelle! On ne peut pas appeler ça du greenwashing.
Dans le même temps, TotalEnergies continue d'investir 75% dans les hydrocarbures…
Oui, et je l'assume. Aujourd'hui, notre société en a besoin. Je suis convaincu que si nous abandonnons ces activités-là, quelqu'un d'autre viendra produire le pétrole à notre place, étant donné que la demande ne baisse pas, au contraire. La question que j'aimerais alors poser à vos lecteurs: à quoi êtes-vous prêts à renoncer? Êtes-vous, par exemple, prêt à arrêter de prendre votre voiture ou l'avion? Car oui, la première chose à faire pour arriver à la neutralité carbone, c'est faire des économies d'énergie.
Pour être concret sur votre transformation, à 2025, à quoi la répartition des investissements selon les différents types d'énergie de l'entreprise ressemblera-telle?
La moitié de nos investissements est consacrée au pétrole, afin de maintenir nos capacités de production. Le gaz en concentrera de 20 à 25% et le reste, de 25 à 30%, sera dédié aux énergies renouvelables. Rappelons que c'est grâce à l'argent du pétrole qu'on peut aujourd'hui investir massivement dans les renouvelables.
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Cette stratégie est-elle suffisante pour atteindre la neutralité carbone?
TotalEnergies vise la neutralité carbone pour ses émissions mondiales, scope 1, 2 et 3, d'ici à 2050, en phase avec la société. Si elles sont encore présentes, les énergies fossiles ne devraient pas représenter plus de 25% de notre portefeuille. Et ce n'est pas incompatible avec les objectifs. Lorsqu'on regarde le scénario de 1,5 degré d'augmentation des températures réalisé par l' Agence internationale de l'énergie , l'objectif n'est pas «zéro pétrole, zéro gaz» mais une production de ces énergies divisée par quatre.
Comment cette ambition se traduit-elle concrètement dans vos projets d'exploration actuels?
En 2021, nous avons proposé à nos actionnaires de nous concentrer sur des hydrocarbures à faible coût et faibles émissions. Concrètement, cela signifie ne plus engager de projets dans les sables bitumineux ou le pétrole lourd du Venezuela, ni celui qui repose en mer par plus de 3.000 mètres de profondeur. Renouveler nos réserves de pétrole devient donc de plus en plus compliqué, mais en réalité, ce n'est plus notre objectif principal. Car l'avenir, ce n'est pas le pétrole.
Baptiste (23 ans): «Si demain les géologues de Total découvrent le plus grand gisement de pétrole de l'histoire au centre de l'Amazonie, décideriez-vous de l'extraire au péril de la biodiversité?»
Nos explorateurs ne pourront tout simplement pas le découvrir car nous nous sommes dotés d'une politique en matière de biodiversité qui nous interdit d'explorer de tels écosystèmes protégés.
Maxence (25 ans) pose une question de management: «Quel est le meilleur moyen pour amorcer un changement de stratégie aussi massif dans une entreprise aussi grande? L'importance est à donner aux petits projets internes ou à la vision verticale?»
Les deux, mon général! L'intelligence collective fonctionne très bien, et nous y faisons régulièrement appel chez TotalEnergies, mais à la fin il faut prendre des décisions pour les mettre en oeuvre. Mon management peut être fort car il faut aussi savoir exécuter. Je tiens également à ce que tous les collaborateurs se sentent bien dans l'entreprise et se disent qu'ils contribuent à une aventure passionnante. Donc, venez les jeunes!
TotalEnergies avait prévu d'installer un centre de recherche sur le campus de Polytechnique, ce qui a provoqué une levée de boucliers de la part d'associations et d'une partie des étudiants et alumni, dénonçant un conflit d'intérêts entre votre poste d'administrateur à l'école et votre poste de PDG. Que leur répondez-vous?
La France a pris la très bonne initiative de vouloir regrouper universités et entreprises sur un même site, à Saclay, sur le modèle du MIT. TotalEnergies avait été sollicité par l'Ecole polytechnique, et nous avons accepté car nous avons pour objectif d'installer notre pôle de R&D Nouvelles Energies & Electricité dans l'écosystème scientifique et technologique de Saclay. C'est l'Etat qui m'a proposé d'apporter mes compétences au conseil d'administration de l'Ecole polytechnique, ce n'est pas moi qui l'ai demandé. Je rappelle que l'installation du centre de recherche a été décidée avant mon arrivée au conseil d'administration de l'école et, naturellement, je n'ai pas participé aux décisions sur ce sujet au sein du conseil de Polytechnique. Je ne suis intervenu qu'une seule fois pour répondre à des questions des autres administrateurs sur le projet en tant que PDG de TotalEnergies.
Quant aux préoccupations des jeunes, ne trouvez-vous pas légitime qu'ils se demandent si leur école restera indépendante vis-à-vis des intérêts de TotalEnergies?
J'ai trop de respect pour les milliers de chercheurs, profs et étudiants pour penser que ce seraient des esprits faibles dont le jugement ne résisterait pas à un laboratoire de 200 chercheurs! Lorsque j'étais à Polytechnique, on m'apprenait justement à faire la part des choses et à me forger mon propre jugement. Ce n'est pas parce qu'un patron venait s'exprimer dans l'amphi, que je croyais tout ce qu'il disait!
Cependant, en raison des recours, le projet de bâtiment a pris du retard et ne peut pas être livré avant plusieurs années. Or, la transition énergétique ne peut pas attendre et la transformation de TotalEnergies non plus! Car nous avons recruté les équipes de recherche et nous allons donc les installer comme prévu, dès cette année, sur le plateau de Saclay dans des locaux destinés à accueillir des centres d'innovation d'entreprise. En conséquence, pour mettre fin à cette polémique frustrante mais dommageable à notre réputation, nous renonçons au projet de bâtiment à proximité du campus de Polytechnique, tout en maintenant bien sûr les partenariats scientifiques. Encore une fois, notre objectif, ce n'était pas un bâtiment avec un drapeau TotalEnergies, mais de développer les technologies dont la neutralité carbone a besoin en collaborant avec les laboratoires des universités et écoles, les entreprises et les start-up implantées à Saclay.
En octobre dernier, des chercheurs publiaient une étude dans laquelle on pouvait lire que Total et Elf étaient au courant des risques liés au changement climatique dès les années 1970, mais qu'elles ont, au cours des années 1990, financé des recherches pour instiller le doute à propos des causes du réchauffement: est-il vrai que l'une ou l'autre de ces entreprises a participé à de tels financements alors que, dès 1990 (premier rapport du Giec), l'unanimité scientifique se construisait autour des causes du réchauffement climatique?
Je ne comprends pas ce tapage médiatique sur ce qui se serait passé dans les années 1970. Cette «étude scientifique» s'appuie d'ailleurs sur l'article d'un scientifique externe publié dans une revue interne de Total sur le sujet. Quelque part, je trouve remarquable que l'entreprise se soit ouverte, dès ces années-là, à ce sujet. A ma connaissance, Total ou Elf n'ont jamais financé d'études internes ou externes pour propager le doute sur le climat. C'étaient deux entreprises en phase avec leur temps qui essayaient de comprendre le sujet climatique car il y avait alors des incertitudes scientifiques que les rapports du Giec eux-mêmes soulignaient.
Je rappelle que la première COP sur le climat ne s'est tenue à Berlin qu'en 1995. J'y étais en tant que conseiller environnement du Premier ministre. Je peux vous confirmer que, depuis que j'ai rejoint cette entreprise, en 1997, je n'ai jamais entendu de doutes sur la réalité du changement climatique. Je me souviens de plusieurs conférences organisées sur le sujet par Total au début des années 2000 avec des scientifiques du climat et que Thierry Desmarest (PDG de Total de 1995 à 2010) s'était engagé pour le développement durable. Tout cela, c'est un coup de com' visant à dénigrer notre entreprise. Mais ce qui compte, c'est ce que nous faisons aujourd'hui… et TotalEnergies avance vers la neutralité carbone!
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