De nos jours, les services de télécommunications occupent une place importante dans l’économie mondiale. Pour certains, ils se trouvent à la deuxième place, tout de suite après le pétrole (Domond, 2017). En Haïti, comme nous pouvons le constater dans la figure numéro 1 qui suit, depuis le milieu de la décennie 2000-2010, une augmentation des activités des télécommunications a été constatée. Actuellement, en dépit du ralentissement du taux de croissance de ladite branche, le constat n’est pas si différente. En référence aux Comptes Nationaux de l’exercice fiscal 2019-2020, une hausse relativement faible de 0,4% des activités de la branche Information et Communication, avec une production passant de 12,5 à 12,6 milliard de gourdes constantes, a été constatée entre 2019 et 2020 respectivement (IHSI, 2020).
En fait, les retombées du développement d’une telle branche sur la santé d’une économie ne sont pas négligeables (Louis, 2018). Des emplois directs et indirects ont été créés, permettant ainsi à certains ménages, non seulement de rester connectés avec le reste du monde, mais également de répondre à certains besoins élémentaires. Pourtant, parallèlement à cette performance, nous avons constaté une hausse exorbitante de certains prix. Cette situation, à notre avis, pénalise les consommateurs puisque la quasi-totalité des ménages haïtiens se trouvent, comme le soulignent les nombreux rapports rédigés sur cette thématique, dans des situations économiques et financières très difficiles. Ainsi, il devient légitime de se questionner sur la structure du marché des télécommunications ainsi que la qualité de ces services puisque les critiques émises par certains utilisateurs à l’encontre des fournisseurs sont nombreuses.
Haïti, un marché des télécommunications fortement concentré
Comme c’est le cas pour d’autres secteurs de la vie économique de la République d’Haïti, l’infrastructure des télécommunications est peu développée. En effet, les données du Conseil national des télécommunications (CONATEL) signalent que moins de 10 ménages sur 100, soit un pourcentage de 9,4% seuls 4, 4% ont accès à un ordinateur portable. Parmi ces 9,4%, seulement 4,4% ont accès à l’internet, ce qui est surtout catastrophique…En combinant tous les moyens possibles, une faible portion de 12,3% des ménages haïtiens utilisent l’internet.
Toutefois, en dépit du fait que la situation est peu critique concernant la connexion mobile, vu qu’environ 68,8% des Haïtiens ont un téléphone portable en 2016 (Domond & Koutroumpis, 2017). Il est à souligner que la pénétration des télécommunications en Haïti reste l’une des plus faibles de la région (MTPTC, 2007). De plus, force est de constater que, comme c’est le cas de la majorité d’autres services, ces derniers se sont concentrés surtout au niveau de l’Aire Métropolitaine de Port-Au-Prince (AMP). On ne recense, jusqu’à aujourd’hui que deux opérateurs de téléphonie fixe et mobile (Jean-Baptiste, 2012), soient la Digicel et la Natcom. Le marché des télécommunications reste très concentré, ce qui n’est pas bénéfique pour les consommateurs (Rouzier, 2016).
La qualité relativement médiocre des services des télécommunications
Pour assurer la protection des consommateurs, la CONATEL relate que des tests sur la qualité des services offerts par la Digicel et la Natcom ont été réalisés en mars 2020. Les résultats de ces tests témoignent de la qualité relativement mauvaise des services offerts par ces entreprises. À titre d’exemple, le rapport entre le nombre de blocs erronés et le nombre total de blocs reçus (Block Rate Error, BLER) qui doit être inférieur à 2 afin de ne pas avoir de coupure de la voix lors des conversations est de 21,41 et 22,71 pour la Digicel et la Natcom, respectivement. Dans de pareilles conditions, en dépit du fait que le taux de coupure d’appel ; considéré comme le pourcentage d’appels échoués après la connexion sur le nombre total d’appel, se trouve dans les catégories « EXCELLENT » et « BON » pour la Digicel (0,88) et la Natcom (2,77) respectivement, les coupures de la voix contraignent les consommateurs à couper les appels et à recomposer le numéro. Les secondes et minutes écoulées sont perdues, ce qui pénalise, une fois de plus, les consommateurs.
Concernant le service des données, le CONATEL souligne l’existence d’une sorte d’incohérence des débits de données. La discrimination qui existe entre les milieux géographiques entraîne une médiane en dessous de la moyenne, bien que cette dernière respecte les normes internationales exigeant un débit de données qui excède 2000 Kbps.
La tarification excessive des services des télécommunications et financiers
Malgré la qualité relativement mauvaise des services, certaines entreprises ont appliqué des tarifications exorbitantes. Ce qui n’est pas différent des services des télécommunications. A ce propos, Domond et Koutroumpis (2017, p17) soulignent qu’« une connexion fixe haut débit (FTTx) de Digicel coûte 55 dollars américains / mois minimum, ce qui se traduit par 80 % du revenu annuel moyen seulement pour accéder à Internet. Pour des vitesses plus élevées cela coûte encore plus cher, jusqu’à 220$ / mois, un coût trois fois plus élevé que le revenu moyen et presque 100 fois plus élevés que le revenu de la majorité des Haïtiens ».
De plus, comme le montrent les données du tableau numéro 1 suivant, l’actuelle augmentation des tarifs appliquée sur les retraits MonCash est une bonne illustration. En effet, vu la marginalisation de certaines couches sociales concernant l’accès aux services financiers, de concert avec la SOGEBANK, la Digicel a accouché le service MonCash dans le but de faciliter la réalisation des transactions journalières par les utilisateurs dudit service. En dépit de ses ambitions [louables], depuis quelque temps, une détérioration de la qualité du service ainsi qu’une sorte de défaillance du système ont été constatées. La semaine dernière, de nombreux utilisateurs dénoncent le fait que leurs comptes MonCash n’ont pas été renfloués lors des dépôts réalisés via Sogebanking…
Parallèlement à cette détérioration, la Digicel, après les augmentations de 2020, décide, une fois de plus, d’augmenter les frais sur les retrais MonCash. Ces hausses varient de 16,67% pour le retrait d’un montant inférieur à 100 gourdes à 174,70%, en cas du retrait d’un montant excédant 60 000 gourdes. Pour le retrait d’un montant compris entre 60000 et 75000 gourdes,les frais sont fixés à 1368 gourdes actuellement contre 498 gourdes seulement en février 2020. De plus, le dépôt sur le compte d’un tiers, identifier comme un transfert par l’entreprise, n’est plus gratuit. Bien qu’on puisse détourner cette dernière en déposant le montant sur son compte avant de d’effectuer le transfert, ces décisions, parait-il, pénalisent les utilisateurs.
Cette décision est prise, à notre avis, dans un moment où, à cause de la situation sécuritaire du pays, la quantité d’utilisateurs du service est en augmentation continue. Parallèlement, avec une dette de 7,5 milliards de dollars en 2020, il semble que la compagnie est en difficulté économique, à en croire les informations publiées par certains médias. Malgré la hausse de la demande et la situation difficile dans laquelle se trouve l’entreprise, nous pensons qu’il est inconcevable que les prix d’un produit soit plus que doublés d’un seul coup.
Pourquoi ne pas favoriser la concurrence au sein de ce secteur ?
Concernant les services des télécommunications, l’Etat haïtien a le monopole depuis la publication du décret du 12 octobre 1977. Comme nous l’avions souligné dans notre précédant texte (Augustin, 2020), tout Etat moderne a la responsabilité d’assurer le bien-être de sa collectivité. Ainsi, il doit intervenir en cas de défaillances du marché afin de rétablir l’équilibre et de lutter contre la cupidité de certains agents économiques. Contrairement à Haïti, dans certains pays, des mesures sont prises pour protéger les consommateurs de la voracité des entreprises. Ainsi, il est formellement interdit d’appliquer des prix exorbitants, sous peine de sanctions. Chez nous, le CONATEL devrait être à l’avant-garde de la lutte visant à protéger les intérêts des utilisateurs des services des télécommunications. En plus des enquêtes réalisés et l’acheminement des rapports aux entreprises concernées, nous pensons que l’institution doit avoir des moyens nécessaires pour règlementer le secteur. Vu qu’il est admis que la concurrence est bénéfique aux consommateurs, il est du devoir de l’Etat haïtien, à travers le CONATEL, d’encourager la hausse de l’intensité concurrentielle au niveau de cette branche.
Documents consultés
Augustin, E. (2020, 30 mai). Qui défend le droit des consommateurs contre la cupidité des producteurs ? Link Haïti Média. Consulté le 16 octobre 2021 surhttps://linkhaitimedia.com/2020/05/30/qui-defend-le-droit-des-consommateurs-haitiens-face-a-la-cupidite-des-entreprises/
CONATEL. (2020. mars). Tests sur la qualité de service de la Digicel et la Natcom. http://www.conatel.gouv.ht/node/474
Domond, G. (2017, 18 janvier). Comment est organisé le secteur des télécommunications en Haïti ? Le Nouvelliste. Consulté le 17 octobre 2021 surhttps://lenouvelliste.com/article/167415/comment-est-organise-le-secteur-des-telecommunications-en-haiti
Domond, G. & Koutroumpis, P. (2017, 27 février). Les avantages de la numérisation du gouvernement et d’un meilleur accès mobile en Haïti. Haïti Priorise
IHSI. (2020, 04). Les comptes économiques en 2020
Jean-Baptiste, J. (2012, novembre). Qualité de service pour le secteur Telecom en Haïti.
Louis, E. (2018, 11 mai). Analyse du secteur des télécommunications dans le monde et en Haïti. Le Nouvelliste. Consulté le 17 octobre 2021 surhttps://lenouvelliste.com/article/187370/analyse-du-secteur-des-telecommunications-dans-le-monde-et-en-haiti
MTPTC. (2007, janvier). Stratégie et plan d’action des télécommunications
Rouzier, G.H. (2016, 20 mai). La téléphonie mobile est-elle de qualité ? Challenges News. Consulté le 16 octobre 2021 surhttps://challengesnews.com/la-telephonie-mobile-est-elle-de-qualite%E2%80%89-3/
Ernson AUGUSTIN,
Economiste, Master 2 en Management Public
augustinernson@gmail.com
Thomas Lalime
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