La vérificatrice générale, qui tente de faire la lumière sur la situation financière de l’Université Laurentienne, a demandé à la Cour supérieure de trancher sur la question après que l’établissement eut refusé de lui fournir certains documents de nature privilégiée.
Ces derniers comprennent les documents liés au Conseil des gouverneurs et aux comités de l’établissement, des factures de services juridiques, des courriels et dossiers électroniques, ainsi que des documents liés aux ressources humaines, au recrutement et aux négociations avec les syndicats.
Dans ses arguments devant la Cour, l’avocat de la vérificatrice générale, Richard Dearden, s’est appuyé sur la Loi sur le vérificateur général (Nouvelle fenêtre) qui contient un article particulier sur l’obligation, pour les services publics et les bénéficiaires de subventions gouvernementales, de fournir des renseignements.
La vérificatrice générale de l'Ontario, Bonnie Lysyk
Photo : Radio-Canada / Matéo Garcia-Tremblay
L’article 10 du texte indique que le vérificateur général a le droit d’avoir libre accès à tous les livres, comptes, registres financiers, fichiers informatiques, rapports, dossiers ainsi qu’à tout autre document, objet ou bien qui appartiennent aux ministères, aux organismes de la Couronne, aux sociétés contrôlées par la Couronne ou aux bénéficiaires de subventions, selon le cas, [...] et que le vérificateur général estime nécessaires pour exercer les fonctions que lui attribue la présente loi
.
Le même article prévoit qu’une divulgation faite au vérificateur général [...] ne constitue pas une renonciation au privilège du secret professionnel de l’avocat, au privilège lié au litige ou au privilège à l’égard des négociations
.
Me Dearden a fait valoir qu’en modifiant la loi en 2004, les législateurs ontariens avaient inclus de telles dispositions dans le souci de permettre au Bureau du vérificateur général d’exiger des documents de nature privilégiée de la part des agences ou organismes dont il vérifie les finances.
Il a par ailleurs souligné que l’article 27 de la même loi prévoit l’obligation de garder le secret
pour le vérificateur général ainsi que le personnel de son bureau.
Il s’agit là, selon Me Dearden, de balises explicites
contre la publication d’informations privilégiées.
En d’autres termes, même si la vérificatrice générale avait accès à ces documents, elle est tenue par la loi de ne pas les divulguer au public.
Dans son rapport annuel publié la semaine dernière, Bonnie Lysyk indiquait d’ailleurs que son bureau avait offert de transmettre aux dirigeants de la Laurentienne une version préliminaire de son rapport pour qu’ils l’examinent avant qu’il ne soit publié et ainsi éviter que des informations confidentielles ne soient révélées au public.
L’Université Laurentienne, elle, n’est pas du même avis.
Son avocat, Brian Gover, a affirmé qu’à son avis, l’article 10 de la Loi sur le vérificateur général ne donnait pas à la vérificatrice générale l’autorité d’exiger des documents confidentiels et ainsi d’outrepasser le privilège du secret professionnel de l’avocat, le privilège lié au litige ou le privilège à l’égard des négociations.
Le langage employé dans la loi, a indiqué Me Gover, ne révèle pas d'intention claire et explicite d'abroger le privilège
.
L'Université Laurentienne est à l'abri de ses créanciers depuis février.
Photo : Radio-Canada / Yvon Theriault
Pour justifier ses propos, il a fait référence notamment à la loi qui régit le vérificateur général de la Nouvelle-Écosse.
Le texte stipule que le vérificateur général de cette province a un accès non restreint, en tout temps, à tous les documents d’une entité [...]
s’il le juge nécessaire pour accomplir ses fonctions malgré la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée ou toute autre loi, et malgré tous les autres droits à vie privée, la confidentialité et au privilège, dont le privilège du secret professionnel de l’avocat, au privilège lié au litige ou au privilège à l’égard des négociations
.
Même si en vertu de la Loi sur le vérificateur général, la vérificatrice générale et le personnel de son bureau ont l'obligation de garder le secret, Me Gover craint la possibilité d'une fuite d'information non intentionnelle.
L'avocat a affirmé, par ailleurs, qu’il n’y a aucune preuve qui démontre que la vérificatrice générale a besoin d’informations privilégiées pour accomplir son travail
de vérification des finances de la Laurentienne et que l’Université lui avait donné accès à tous les documents non privilégiés qu’elle avait sollicités.
Sur cet argument, l’avocat de la vérificatrice générale, Richard Dearden, a répondu que le but de l’audience de lundi n’était pas de déterminer si Bonnie Lysyk avait besoin d’informations privilégiées pour faire son travail, mais plutôt d’établir si l’article 10 de la Loi sur le vérificateur général donnait [à Bonnie Lysyk] l’autorité d’exiger des informations privilégiées
.
Le juge Geoffrey Morawetz a indiqué qu’il tenterait de prendre une décision dans cette affaire rapidement, mais n’a pas précisé quand exactement.
Bonnie Lysyk a entamé sa vérification des finances de l’Université Laurentienne après que le comité permanent des comptes publics de Queen’s Park lui en eut confié la mission, en avril.
La semaine dernière, en présentant son rapport, elle a souligné que son bureau n’avait jamais eu à se rendre en cour auparavant pour essayer d’obtenir des documents d’un établissement sur lequel il enquêtait.
L’Université Laurentienne, en pleine crise financière, s’est placée à l’abri de ses créanciers en février.
En avril, l’établissement a annoncé la suppression de 69 programmes dont 28 en français. Il poursuit sa restructuration sous supervision judiciaire au moins jusqu’au 31 janvier 2022.
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