Le client a changé. C'est le constat qu'a fait, parmi d'autres, IBM. Un constat qui touche en premier lieu la grande distribution, forcée de s'adapter aux évolutions sociétales et de contrer de nouveaux entrants, 100 % numériques, qui n'ont quasiment plus de barrières à l'entrée pour revendre des produits.
Plus connecté, le client est mieux informé (parfois plus que le vendeur lui-même). Il demande que les offres soient personnalisées (« le Mass Market est perçu comme une intrusion », analyse Henri Thouvenin, directeur Big Data chez IBM France) et il ne rechigne plus à donner certaines informations, s’il estime que la contrepartie en vaut la peine.
« Un client n’est plus choqué qu’on le félicite d’être l’heureux papa d’un garçon de 54 cm et qu’on lui offre un chèque de 20 euros », constateHenri Thouvenin. Des informations qu’une marque peut obtenir aujourd'hui en combinant différentes sources d’informations, comme la liste des achats précédents et l’écoute des réseaux sociaux.
Surtout, le client s’exprime (Tweet, Facebook, Blogs, avis sur les sites) ce qui oblige à concevoir une offre non plus comme un simple produit, mais comme un service de bout en bout (allant jusqu’à l’installation et au support) sous peine de recevoir des commentaires négatifs en retour de bâton.
Pour répondre à ces défis, Big Blue a bien évidemment son idée. Lors d’une journée de démonstration, l'éditeur en a dévoilé quelques unes et est revenu sur l'analyse qu'il fait de plusieurs évolutions. Des évolutions (et des solutions) qui pourraient bien, d’après IBM, bouleverser le Retail dans les cinq ans à venir.
Les défis pour la grande distribution sont donc d’un nouveau genre.
D’abord avec le profiling à 360°, évoqué ci-dessus... mais qui n’existe pas encore véritablement. « Beaucoup de retailers ignorent encore les réseaux sociaux », regrette Henri Thouvenin – rappelant au passage qu’IBM a passé des accords avec Twitter et Facebook.
Ensuite avec la mobilité, qui n’est pas totalement exploitée commercialement. « Les ventes sur mobiles ont progressé de 50 % », avance Mickael Miramond, Directeur Retail à IBM France, en s’appuyant sur une étude maison. « Mais elles ne représentent toujours que 12 % des ventes en ligne… très loin de ce que l’on constate sur des marchés comme le Royaume-Uni ».
Globalement, les clients français ont pris l’habitude de faire des recherches sur leurs smartphones. Mais ils achètent sur leurs tablettes et leurs ordinateurs.
La personnalisation de la communication est un autre pan majeur de transformation de la distribution. « Les clients n’aiment plus qu’on leur parle comme s’ils étaient un segment. Je deviens avocat d’une marque si on interagit avec moi de manière personnalisée », analyse Mickaël Miramond. Un rapport de Gartner va dans ce sens en soulignant que les entreprises qui font de la personnalisation (message et offre) feraient 30 % d’affaires de plus que leurs concurrents.
Cette personnalisation est facilitée aujourd’hui par un autre constat. Les clients rechignent de moins en moins à donner des informations personnelles.
« Nous sommes aujourd’hui prêts à consacrer 20 minutes en magasin pour donner des informations (NDR : inscription à un programme de fidélité par exemple) si l’on sait que l’on va avoir une offre particulière en échange. Le client donne sans problème ses coordonnées, son mail, son numéro de portable et son Facebook. De plus en plus, il accepte aussi de partager sa localisation », constate le Directeur Retail.
Seules résistent encore les données médicales et financières… Mais ces dernières peuvent être extrapolées des données précédentes avec des méthodes statistiques.
Les données sont donc de plus en plus là. Encore faut-il savoir les agréger et les analyser. D’où un passage massif des départements marketing à l’analytique, au Machine Learning et aux algorithmes prédictifs pour en tirer la substantifique moelle pour les opérationnels : « 80 % des Retailers utilisent aujourd’hui de l’analytique pour avoir une vraie vision 360° ».
En interne, face à des clients surinformés (ou qui peuvent l’être dans le minute avec l'Internet mobile), les distributeurs se trouvent aussi dans l’obligation de démocratiser les informations en donnant des outils à leurs équipent terrain (smartphones, tablettes, applications maison) et de les former. « Le chef de rayon a besoin d’avoir un accès à l’information en temps réel, l’ère du grand maître de la donnée stratégique dans sa tour d’ivoire c’est du passé », résume Henri Thouvenin.
La chaine logistique n’échappe pas à cette révolution qui prend racine dans la transformation profonde du client moderne, de plus en plus technophile.
« Il faut qu’il y ait de l’omnicanalité », poursuit Mickaël Miramond. Cette « omnicanalité » (prise en charge de tous les canaux d’approvisionnement) a plusieurs retombées.
Elle permet de questionner les stocks, magasin par magasin, entrepôt par entrepôt. Que ce soit depuis une boutique par un vendeur – pour rediriger un client en cas de rupture produit ou pour faire venir la référence (voire la faire livrer au domicile). Ou que ce soit par un client sur le Web (pour connaître une disponibilité et ne pas se déplacer pas pour rien).
L'« omnicanalité » permet également de mieux répartir les stocks et d’éviter les sur-stockages dans un canal alors que des commandes ne sont pas satisfaites sur un autre - comme cela peut être le cas lorsque chaque entrepôt/magasin est géré de manière indépendante.
Tous ces défis (mobilité, profiling 360°, hyper-personnalisation et « expérience employé ») concernent directement l’IT. Ce qui explique que les éditeurs, Big Blue en tête de gondole, y aient consacré une part très importante de leurs investissements.
« Le Retail est le deuxième investissement mondial d’IBM », confirme Henry Thouvenin. « Nous avons consacré 45 milliards de dollars pour le rachat de 130 éditeurs ces dernières années. Un quart d’entre eux concernaient la distribution ».
L’accord avec Apple touche également ce secteur. Il a poussé IBM a repensé totalement les UIs de ses applis métiers. « Avec Apple on a été challengés. On avait l’habitude de faire plein d’écrans dans nos applications. Eux, ils nous ont dit : « si on arrive pas ici en deux clics, c’est pas bon »... et on recommençait », rigole Mickaël Miramond.
Ces investissements se sont traduis chez IBM dans plusieurs prototypes (PoC) – dont certains sont déjà en production ou en tests avancés. Des PoC qui devraient, dixit IBM, se démocratiser dans les cinq ans.
Parmi ces projets techniques de Big Blue, le suivi des clients sur les lieux de vente (le tracking) pourrait bien s’affiner grâce à l’exploitation des données des smartphones.
Jusqu’ici, il était possible de déterminer des parcours clients avec des caméras placées dans le magasin et avec un logiciel de reconnaissance ou de modélisation de foules. Le smartphone permet d'affiner cette méthode. De deux manières.
La première repose sur l’adresse MAC de l’appareil. En se connectant à des spots Wi-Fi, un appareil déclare un ensemble d’informations, dont sa « plaque d’immatriculation » unique attachée à son hardware qu’est l’adresse MAC (Media Access Control).
Un administrateur peut donc suivre un client – de manière anonyme – d’une pièce à une autre avec cette adresse. Anonymement, car il n’est pas possible, ex-nihilo, de relier une identité à ce numéro MAC. En revanche, il est possible de créer un historique des mouvements et des visites de ce numéro précis.
En utilisant cette méthode, une grande surface pourra donc analyser la fréquence des visites du possesseur d’un téléphone en particulier, ainsi que ses parcours successifs dans le magasin.
La deuxième innovation consiste à relier – avec l’accord du client et volontairement – cette localisation à une identité.
Cette identification peut se faire de deux manières. Soit en demandant l’accord au moment d’une connexion au hotspot du magasin. Soit grâce à une application dédiée de l’enseigne.
Ces technologies vont compléter les très médiatiques beacons, ces petites bornes qui communiquent en Bluetooth.
La limite de ces avancées pour cartographier un magasin est qu’elles reposent sur le fait que le Wi-Fi (ou le Bluetooth) du client est « always on ». Une pratique qui n’est pas recommandée pour la sécurité (avec le Bluetooth) ou pour l’autonomie (pour le Wi-Fi). IBM a néanmoins fait sa petite enquête et a trouvé que 50 % des possesseurs de smartphones laissent toujours leur Wi-Fi activé.
Si l’on regarde le verre à moitié vide, on dira donc que la cartographie par Wi-Fi laisse dans son angle mort la moitié des clients. « Nous préférons dire qu’hier, vous n’aviez pas de donnée du tout. Et qu’aujourd’hui vous avez un suivi plus précis de la moitié de vos clients », répond Odille Peraudin, Business Development Executive Mobile chez IBM France.
Des données qui peuvent ensuite être analysées – en batch ou en temps réel.
Futuriste ? Pas vraiment. Car ces technologies sont d’ores et déjà en production en France. IBM se refuse à donner les noms des enseignes mais ils sont aujourd’hui une dizaine de magasins, dans l’alimentation et la distribution spécialisée, à utiliser ces technologies.
Autre projet : l’utilisation de la réalité augmentée, toujours avec un téléphone ou une tablette (IBM ne pense pas que les appareils de type lunettes intelligentes soient encore mûres).
Réalité Augmentée pour vérifier les prixDéveloppée par une société israélienne rachetée par Big Blue, la solution est déjà déployée chez Tesco pour vérifier la réalisation de ses linéaires et faciliter les réassorts.
Les planogrammes répondent en effet à des exigences très précises (nombre de paquet par étage, position, rayonnages déterminées au centimètre près, etc.).
Habituellement, cette mise en place se fait avec des documents papiers qui dessinent chaque gondole finalisée. Avec la reconnaissance de formes, le processus est grandement accéléré. Il permet de voir en un coup d’oeil si le facing du rayon correspond bien au planogramme. Et dans le cas contraire, quelle modification doit être faite.
Autre avantage, la vérification des prix de tout un rayon se fait en quelques secondes.
Parmi les autres usages innovants, l’éditeur travaille sur l’identification des clients lorsqu’ils arrivent à proximité d’un magasin (toujours avec le Wi-Fi ou le bluetooth mais pas le GPS assure-t-il), pour pousser des recommandations aux vendeurs ou émettre des coupons en temps réel (une pratique qui devrait également se généraliser en magasin avec les techniques de tracking). Un domaine sur lequel se positionne également MicrosStrategy avec Usher.
Mais toutes ces solutions, séduisantes dans l'absolu, reposent au final sur des données exploitables. Autrement dit, sur des données de qualité, cohérentes, uniques (MDM) et intégrées (ETL).
Or ce n'est pas toujours le cas avec les traditionnels silos d'informations. Il n’est, par exemple, pas rare de trouver des écarts de prix entre ce qui est annoncé sur Internet et ce qui est vu en magasin (indépendamment de stratégies de tarification différenciée, elles aussi de moins en moins acceptées par des clients qui peuvent vérifier et questionner ces écarts).
Henri Thouvenin et Mickael Miramond le concèdent d’ailleurs. « Dans ce genre de projets, il faut d’abord comprendre le métier, puis proposer des solutions et ensuite on descend aux problématiques sous-jacentes jusqu’à l’infrastructure », expliquent-ils.
Ce travail sur les données, qui augmente le budget de transformation, pourrait être un frein majeur. Il n'en serait rien. « Au contraire », répond le directeur en charge des Big Data d'IBM France. « Les distributeurs français sont, aussi, très demandeurs de cela ». Et le verraient plus comme un moyen de faire d'une pierre deux coups.
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