Dominique BryCinéma, Têtes de gondole

Si vous avez aimé le regard attendrissant et humide du Chat potté et que vous avez envie d’en voir la version live action dans un film qui convoque une critique facile des médias, des images de guerre façon Bosna ! et l’ennui du spectateur à chaque plan ou presque, alors ne manquez pas France de Bruno Dumont.

À grands renfort de plans serrés, gros plans, en contre-plongée, en travelling avant et arrière sur les yeux de Léa Seydoux, Bruno Dumont filme la descente aux enfers de France de Meurs, journaliste de hard news cynique et frivole qui ne pense qu’à sa côte de popularité sur les réseauxsociaux en fonction d’un buzz calculé. Et une première question se pose : quelle mouche a donc piqué la critique pour attribuer autant d’étoiles à un film qui embarrasse davantage qu’il ne séduit ? Quand bien même il a pour tête d’affiche une lumineuse Léa Seydoux, accompagnée de seconds rôles très bien interprétés, France se distingue par une intrigue aussi dépressive que son personnage principal.

Avec en ouverture un savant montage qui permet d’installer France de Meurs dans une éventuelle réalité macroniste afin de signifier (ou non) que toute ressemblance avec une personnalité existante ou ayant existé, bla bla bla, pure coïncidence, le film de Bruno Dumont fait d’entrée de jeu dans la ficelle à amarrer les paquebots là où la retenue commanderait de ciseler de la dentelle. Même pas parodique voire vulgaire, mais mal interprétée et gênante, la scène d’exposition de France met immédiatement mal à l’aise tant dans la manière de filmer que par le sur-jeu de Léa Seydoux et Blanche Gardin. Alors que l’on est censé découvrir une journaliste qui a tout et peut tout du haut de son statut d’icône parce qu’elle cause dans le poste, on assiste au spectacle plat d’une France d’en haut qui graviterait dans les sphères intellectuelles flanquée d’une assistante irresponsable (Blanche Gardin), d’un mari écrivain (Benjamin Biolay) et dont la vie serait finalement aussi fade que les conversations des dîners en ville tandis que ses sentiments vacillent sur un piédestal médiatique surfait.

Parce que Bruno Dumont veut filmer une fragilité à fleur de regard, il fixe Léa-France de son objectif au long de plans à rallonge, et scrute dans les yeux de son personnage l’expression d’un (mal) être. Las, la profusion en devient nuisible, l’enchaînement des situations ne fait qu’accroître le ridicule à mesure que le film et l’état d’esprit de France avancent : cérémonies obligées, plateaux TV, coulisses de reportages bidonnés, tournages caméra sur l’épaule, scènes intimes, démission de la mère et épouse qui sacrifie son couple sur l’autel du carriérisme, tentatives de reconstruction… si le propos du réalisateur est de critiquer la morgue et la superficialité de son personnage, il le fait avec un manque de subtilité coupable et dommageable. Bien sûr, il est hors de question d’éprouver de l’empathie pour un personnage détestable et que Bruno Dumont s’acharne à faire détester. Là où le bât de France blesse, c’est que France (de Meurs) est par trop caricaturale : il faut s’appeler Sydney Lumet (Network) ou Adam McKay (Anchorman: The Legend of Ron Burgundy) pour restituer l’univers de la télévision et oser une œuvre politique que ce soit sous forme d’un brûlot ou d’une comédie potache. Et le mélange des genres opéré par Bruno Dumont ne fait que cruellement souligner la vacuité d’un scénario qui hésite entre portrait d’une femme en crise et critique d’un système perdu pour le journalisme.

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Bancal jusqu’au grotesque, véhiculant des clichés qui tutoient le populisme gratuit, France étire pendant 2 heures 14 sa complainte inutile. À vouloir mettre les pieds dans le PAF, Bruno Dumont se prend les pieds dans le parti pris.

France, de Bruno Dumont, avec Léa Seydoux, Blanche Gardin, Benjamin Biolay, disponible en VOD à partir de 3 € 99 à la location et 9 € 99 à l’achat

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