Grégory Doucet l’annonce depuis cet automne : la Ville de Lyon veut emmener l’ensemble du territoire municipal vers le « zéro carbone » en 2030. Dans l’idée du maire écologiste, à cette date, ce n’est pas seulement la collectivité qui ne devra plus émettre de gaz à effet de serre mais aussi l’ensemble des activités humaines situées dans Lyon intra muros. Pour lancer cette démarche, la municipalité va déposer fin janvier sa candidature au programme européen des « 100 Villes climatiquement neutres ».
La barre est placée haut, même très haut. Dans l’esprit du maire de Lyon et de son équipe, atteindre la neutralité carbone en 2030 ne consiste pas à planter des arbres en Amazonie pour compenser les émissions lyonnaises mais à tendre vers zéro émission de CO2. Autrement dit, fini les énergies fossiles sur le territoire lyonnais. Ce qui veut dire notamment aucun véhicule à moteur thermique (les véhicules diesel seront interdits en 2026) et plus de gaz naturel dans les appartements.
Cet objectif 2030 avait été annoncé en novembre dernier en conseil municipal. Il fait suite à la « déclaration d’état urgence climatique » de mars 2021 et la présentation du plan d’investissement du mandat de 1,25 milliards d’euros placé sous le signe de la “transition écologique”.
Pour lancer cette démarche, la Ville de Lyon va donc déposer fin janvier sa candidature pour devenir une des 100 villes européennes « climatiquement neutres ». Ce programme s’inscrit dans le cadre du Green New Deal de l’Union européenne qui a fixé un objectif de réduction d’au moins 55% des gaz à effet de serre d’ici 2030.Les villes retenues seront considérées par la Commission comme pouvant aller au-delà de cette objectif « Fit for 55 ».
La Ville de Lyon part de loin. La collectivité produit 150 000 tonnes d’équivalent CO2 mais le territoire de Lyon intra muros produit 5 millions de tonnes de CO2 (essentiellement en déplacements, en chauffage mais aussi en biens importés), soit environ 10 tonnes par habitant.
Ce rapprochement entre le point de départ et la ligne d’arrivée montre le niveau d’ambition. Qui plus est, la réduction doit être réalisée en huit ans seulement.
Si Lyon est retenue par la Commission européenne, la Ville bénéficiera de financements sur projet – « mais ce ne sera pas le jackpot », prévient le maire – et d’outils pour aider à la gouvernance de la démarche.
Si la candidature de Lyon n’est pas retenue, Grégory Doucet a prévenu que « la démarche vaudra quelle que soit la position dans le classement ». En clair : pour l’exécutif écolo lyonnais, cette candidature vaut engagement : « neutralité carbone » en 2030.
Les 4 axes de la candidature lyonnaise au programme européen « 100 villes climatiquement neutres »
Cette candidature est construite autour des quatre axes suivants :
En creux, ce programme met en lumière toute la difficulté d’une démarche portée par une collectivité, surtout dans un pays très centralisé et présentant toujours un millefeuille administratif. Comment atteindre la neutralité carbone alors même que l’Etat ne respecte pas l’Accord de Paris ? Comment, par exemple, développer le fret ferroviaire ou le RER à la lyonnaise, alors que la compétence ferroviaire est partagée par l’Etat et la Région ?
La Ville peut compter sur la Métropole de Lyon, avec un président du même bord politique que le maire. Mais les futures échéances peuvent rebattre ces cartes, notamment en 2026 lors des prochaines élections locales (municipales et métropolitaines).
Pour le moment, la neutralité carbone n’est visée qu’en 2050 par la Métropole. Son vice-président délégué au climat, Philippe Guelpa-Bonaro, a décrit les contours d’une répartition des rôles entre les deux collectivités, selon le dernier Plan climat adopté avant les élections de 2020 :
La municipalité lyonnaise est donc cheffe de projet. La réussite de cet objectif va résider dans sa capacité à entraîner les « partenaires » publics ou privés sur lesquels elle a peu ou pas de prise.
L’écologiste Grégory Doucet se montre toujours optimiste, même s’il estime qu’il faudra que le « gouvernement fasse sa part du job ».Sans surprise, il estime que son propre “job” de maire serait facilité si Yannick Jadot plutôt qu’Emmanuel Macron ou un·e autre candidat·e est élu·e en avril 2022.
Même dans le cas d’un gouvernement français d’une couleur politique différente de la sienne, le maire de Lyon y croit. Il donne l’exemple du transport fluvial :
Les écologistes veulent-ils aller trop vite ? Y aura-t-il des blocages des habitants ou des navetteurs qui viennent quotidiennement travailler à Lyon avec leur voiture ?
Le maire de Lyon, comme son adjoint à la transition écologique, le répètent déjà depuis leur campagne électorale qui leur a permis de gagner en 2020 :
Sylvain Godinot poursuit :
Même si de nombreuses compétences sont ailleurs, notamment à la Métropole, l’adjoint à la transition écologique croit en « la capacité d’entraînement citoyen » de la Ville.
Outre l’« acceptabilité sociale » de mesures contraignantes prises rapidement, l’autre écueil est que Lyon devienne une sorte d’îlot au milieu d’un territoire encore très carboné.
Le vice-président de la Métropole, Philippe Guelpa-Bonaro, balaie l’éventualité pourtant concrète d’un isolement :
Il met en avant le rôle de « locomotive pour les autres villes de l’agglomération et d’ailleurs ».
Comme l’a lui-même souligné le maire de Lyon, « le défi est gigantesque ». D’autant plus qu’il doit être relevé non seulement par la collectivité mais aussi par les personnes qui habitent, travaillent ou font du tourisme à Lyon.
Dans sa communication sur le dépôt de candidature, la Ville de Lyon a lourdement insisté sur cette « ville qui fédère » et a invité sous les ors des salons de la mairie les représentants des 70 premiers partenaires. Et encore, Covid oblige, le raout pour lancer cette candidature qui s’est déroulé le mardi 18 janvier à l’hôtel de ville s’est limité à un comité restreint et à quelques prises de parole.
Pour montrer sa capacité à embarquer une majorité d’acteurs du territoire dans cet objectif « neutralité carbone » – qui est au cœur de l’évaluation de la candidature -, la municipalité a mis en avant des acteurs de tous horizons. Pas seulement les associations écolos mais aussi les institutions patronales comme la CCI ou des grosses entreprises comme Bouygues bâtiment, Vinci Immobilier, GrDF, Arkea banque ou encore Boehringer Ingelheim.
Si la candidature de Lyon est retenue, devront se tenir au printemps des ateliers participatifs avec, au moins, tout ce monde pour élaborer un « Climate city contact ». Chaque partenaire devra alors s’engager à renforcer ses actions pour atteindre l’objectif 2030.
Grégory Doucet, particulièrement optimiste, l’a martelé :
“On va trouver des points de convergence, c’est une question de méthode”
Ce sont bien les lendemains de cette candidature – retenue ou pas – au programme « ville climatiquement neutre » qui s’annoncent compliqués.
Rencontré par Rue89Lyon en marge de la soirée de lancement, le président de la CCI de Lyon, n’est pas tout à fait sur la même ligne que l’exécutif écologiste.
Interrogé sur l’objectif « zéro énergie fossile » prôné par la mairie pour atteindre la neutralité carbone, Philippe Valentin ne s’est pas montré franchement enthousiaste :
Dans cette candidature pour faire partie des « climate neutral and smart cities » – expression exacte du programme -, il préfère retenir l’expression « ville intelligente » que « ville climatiquement neutre » ou « zéro carbone », mises en avant par les élus écologistes.
Le représentant des patrons lyonnais a conclu en insistant sur sa volonté de « participer de manière collaborative, avec une approche pragmatique » :
Lors de ces rendez-vous, il faudra en effet beaucoup de dialogue et de méthode pour rapprocher des points de vue toujours très divergents.
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