« Ce texte, c’est une révolution. » En début de semaine sur RTL, Éric Dupond-Moretti n’a pas caché son enthousiasme à propos de sa réforme de la justice pénale des mineurs. Le texte, qui doit entrer en vigueur ce jeudi 30 septembre, vise à juger ces derniers de manière plus rapide. « Il n’y avait pas de délais avant. Cela veut dire qu’un gamin qui commettait une infraction pouvait être jugé deux ans après, quand il était devenu adulte (…). C’était du temps judiciaire perdu. C’était surtout du temps pédagogique perdu », a ajouté le ministre de la justice.

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Lancée par Nicole Belloubet, cette réforme remanie l’ordonnance de 1945 sur l’enfance délinquante. Sa principale mesure vise à séparer en deux temps la procédure pénale pour les mineurs. Avec une première étape pour déclarer leur culpabilité, puis une seconde pour se prononcer sur leur sanction. Mais pour bien comprendre la nature du changement, il convient de rappeler comment fonctionnait, jusqu’à aujourd’hui, le parcours pénal des moins de 18 ans.

Un délai de 18 mois

Quand un mineur était soupçonné d’un délit, il était présenté à un juge des enfants qui pouvait le mettre en examen. Une procédure d’instruction était lancée, avec des mesures éducatives. Le but, alors, était de s’appuyer sur des éducateurs ou des psychologues pour recueillir des informations sur la situation scolaire, familiale, sanitaire, sociale du jeune et de sa famille.

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La « révolution » d’Éric Dupond-Moretti pour réformer la justice pénale des mineurs Abonnés

Tous ces éléments permettaient au juge de prendre une décision plus éclairée lors de l’audience de jugement. C’est à ce moment-là que le magistrat se prononçait à la fois sur la culpabilité du mineur et sur la sanction. Le problème, selon la Chancellerie, est qu’il s’écoulait en moyenne 18 mois avant le prononcé de ce jugement. La réforme vise donc à raccourcir les délais qui ne devront plus excéder 12 mois.

Désormais, la procédure sera donc séparée en deux. Dans un délai relativement bref (10 jours à trois mois), le mineur sera présenté à un juge pour enfants qui pourra, au vu du dossier, déclarer sa culpabilité. Le mineur repartira de cette audience en connaissant la date de l’audience au cours de laquelle sera prononcée sa sanction. Ce qui n’était pas le cas jusque-là. Dans la foulée, il devra entamer une période de « mise à l’épreuve éducative » d’une durée de 6 à 9 mois.

« Ce travail éducatif sera alors plus fructueux. Jusque-là, il était mené alors que le jeune était toujours présumé innocent. Lui et ses parents ne comprenaient pas toujours le sens de l’action éducative. Là, la mise à l’épreuve éducative prendra tout son sens puisque le jeune aura été déclaré coupable par justice. Sans attendre le prononcé, il sera même possible d’engager une procédure de réparation pour les victimes », précise-t-on dans l’entourage d’Éric Dupond-Moretti.

« On risque de juger très vite des mineurs sans suivi éducatif »

Toutefois, deux exceptions sont prévues à ce schéma général. Dans certains cas, le mineur pourra assez vite comparaître lors d’une audience « unique ». Le juge pourra alors déclarer sa culpabilité mais aussi, en même temps, annoncer la sanction. Sans attendre, donc, la phase éducative de 6 à 9 mois.

« Cette audience unique pourra être décidée par le juge des enfants s’il estime que la mise à l’épreuve éducative n’est pas nécessaire et s’il se considère suffisamment informé sur l’individu. Cela pourra être le cas, par exemple, pour des mineurs récidivistes ayant déjà fait l’objet de mesures éducatives par le passé », explique-t-on au ministère.

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Dans d’autres cas, cette audience unique pourra même être demandée par le Parquet dès la sortie de garde à vue du mineur. « Avec ces exceptions, on risque de juger très vite des mineurs sans suivi éducatif. Certains pourront même faire l’objet d’une comparution immédiate, assez expéditive, comme s’ils étaient majeurs », s’inquiète Lucille Rouet, juge des enfants à Paris et secrétaire nationale du Syndicat de la magistrature.

« On ne s’est pas vraiment posé la question des moyens »

Une autre inquiétude forte porte sur la capacité de certains tribunaux à faire face à cette obligation de statuer dans des délais plus rapides. Si beaucoup de mineurs ne sont pas jugés avant 18 mois, c’est surtout en raison d’une surcharge de travail des éducateurs et des juges. « Pour accompagner cette réforme, 72 magistrats et 100 greffiers viendront en renfort », indique-t-on au ministère.

Cela ne rassure pas vraiment Laurence Bellon, présidente du tribunal pour enfants de Marseille. « L’architecture du texte est intelligente mais on ne s’est pas vraiment posé la question des moyens, insiste-t-elle. Résultat, on fait peser la bonne application de cette réforme sur la responsabilité individuelle de chaque magistrat. Et le risque est qu’en donnant la priorité à ces nouvelles procédures pénales, on ne dégrade le traitement des dossiers au civil, dont la situation est aussi parfois très critique. »

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