"Deuxième rendez-vous dans 6 semaines": c’est ce que proposaient systématiquement les plateformes de vaccination contre le Covid-19 depuis le 10 mai 2021, date de l’ouverture généralisée à tous les adultes. Pourtant, ce délai n’était que de 3 semaines au printemps dans les Ehpad. Et puis voici qu’à la veille de l’été, le 15 juin, Olivier Véran annonce un espacement des doses flexible entre 21 jours et 49 jours. Quels éléments ont permis de changer ainsi la donne? Le vaccin prendrait-il lui aussi ses quartiers d’été?
Pour comprendre, il faut passer par quelques rappels scientifiques. Tout d’abord, ce délai évoqué de 21 à 49 jours entre les deux injections ne concerne que les vaccins à ARN messager de Pfizer-BioNTech (Comirnaty) ou de Moderna (mRNA-1273). Contrairement au vaccin développé par AstraZeneca (Vaxzevria) pour lequel il faut attendre entre 9 et 12 semaines pour recevoir la seconde injection. Sachant que la question ne se pose pas pour le 4e vaccin autorisé en France: le Janseen de Johnson&Johnson est administré en une seule dose.
"Le critère, c’est d’avoir des anticorps quand on croise le virus", rappelle simplement le Pr Edouard Tuaillon, virologue au CHU de Montpellier. La vaccination permet à l’organisme de fabriquer ses propres anticorps pour lutter le cas échéant contre l’infection. Pour que l’immunité s’installe durablement, deux étapes sont nécessaires. La réponse primaire liée à la première injection est lente et prépare le terrain. La seconde injection est un "boost vaccinal". La réponse est plus rapide et plus intense avec une plus grande fabrication d'anticorps, aptes à réagir sur le long terme en présence du virus.
Du point de vue de la mise en œuvre, c’est la Haute autorité de santé (HAS) et particulièrement le conseil d’orientation de la stratégie vaccinale (COSV), présidé par Alain Fischer, qui conseille le gouvernement dans le déploiement de la vaccination en France. La HAS a recommandé dès février de suivre le résumé des caractéristiques du produit (RCP), fourni avec l’autorisation de mise sur le marché (AMM) et qui provient des études cliniques de phase 2 et 3 réalisées lors du développement du vaccin. Ainsi pour Pfizer, l’espacement des doses a été testé et des résultats positifs sont observés suite à deux injections distantes de 3 à 6 semaines. Ainsi que pour chaque médicament, le mode d’administration, de conservation, les doses nécessaires sont issus des résultats des études cliniques et sont précisés dans le RCP. L’ensemble étant revalidé ensuite par des suivis scientifiques au long cours.
Trois semaines est le seuil minimal validé pour les vaccins à ARN messager; date à partir de laquelle la seconde injection sera en capacité de provoquer ce "boost" attendu de manière efficace. "On commence à avoir du recul sur ces nouveaux à vaccins à ARN messagers. Ça marche plutôt bien! On a déjà beaucoup de données à trois semaines avec une excellente réponse", souligne Rodolphe Thiébaud, professeur en santé publique à l’Université de Bordeaux. Avec ses équipes, il manipule les chiffres dans tous les sens pour les faire parler et simuler le meilleur schéma vaccinal à appliquer en fonction des conditions. Au printemps, dans un contexte d’appréhension de la troisième vague, le gouvernement s’est emparé de cette fourchette basse validée par les fabricants car "on était pressé". Il s’agissait de casser les chaînes de contamination dans les Ephad. Les résidents ont ainsi reçu deux doses espacées de trois semaines. "On a voulu limiter la propagation en protégeant en premier lieu les personnes fragiles dans un contexte de nombre de doses limitées", confirme Samuel Alizon, directeur de recherche, spécialiste de l’évolution des virus à l’Inserm.
Une campagne de vaccination possède deux dimensions: protéger chaque individu et protéger la population. "Du point de vue collectif, il vaut mieux vacciner des personnes à deux doses qu’un nombre plus grand d’individus avec une seule dose", poursuit-il. La protection individuelle étant moindre après la première injection, cela favorise l’installation des variants. "Aujourd’hui, la stratégie en santé publique est de vacciner le plus de personnes possible en schéma vaccinal complet" (2 doses), confirme Rodolphe Thiébaud. Ceci est d’autant plus prégnant dans cette période de propagation du nouveau variant delta (anciennement dénommé variant indien). "Dans une population vaccinée, si un variant survient, il ne pourra pas se propager avec succès chez les sujets vaccinés et il s’éteindra rapidement".
C’est malheureusement ce que confirme la situation en Grande-Bretagne actuellement débordée par le variant Delta, où la stratégie a été de vacciner le plus grand nombre de personnes avec une première dose.
"La science progresse avec le passage à la vie réelle. Les propositions d’adaptation des calendriers sont adaptées à la vie de l’épidémie et à la vie des gens", convient la Pr Brigitte Autran, professeure de médecine, immunologiste et membre COSV. L’objectif aujourd’hui est de ne pas casser le rythme de la vaccination durant la période d’été. La possibilité de recevoir une seconde dose après un délai de 21 à 49 jours est "une annonce pragmatique du gouvernement qui apporte de la souplesse à l’organisation de terrain" appuie la HAS. "Il n’y a pas d’altération de la réponse immunitaire si on prolonge le délai entre deux doses à 7 semaines", précise la Pr Brigitte Autran. Chaque nouveau contexte amène une adaptation de la stratégie: "Un juste équilibre entre un idéal immunitaire de la réponse vaccinale et un idéal de protection vaccinale dans un environnement où le virus circule", conforte Edouard Tuaillon. C’est une volonté de s’adapter au mieux à la vie du vaccin, des populations, du virus en s’appuyant toujours sur des données scientifiques avérées.
L’annonce d’Olivier Véran d’étendre la plage possible entre les deux injections s’appuie sur les travaux d’évaluation du COSV et permet à chacun d’adapter son calendrier. "Aller au bout de ce que l’on peut faire en termes d’espacement, sous contrôle de validation, de manière à ce que tous puissent être vaccinés cet été dans de bonnes conditions", conclut Brigitte Autran.
Par Valérie Handweiler
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